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Disette

Un hiver de disette
au Pays de Fougères

LL'hiver 1771-1772 fut particulièrement rigoureux au Pays de Fougères, il fut aussi terrible de par ses conséquences, car il engendra une très grande misère à la suite d'une disette des grains due à une très mauvaise récolte.

Ce fut le Comte de Farcy, seigneur de Mué en Parcé qui, semble-t-il, le premier alerta le gouvernement de la province sur la situation misérable dans laquelle se trouvait sa paroisse. L'intendant demanda au subdélégué de Fougères, Blanchouin de Villecourte, de lui adresser d'urgence un état de la situation. Je ne puis me persuader, dit-il, que si le mal étoit aussi grand qu'on l'expose, vous ne m'en ussiez pas averti. Le mal était en effet assez grand et le subdélégué put apprécier l'étendue du malheur qui frappait la population au fur et à mesure qu'arrivaient les rapports précis et détaillés, les listes nominatives des malades et des pauvres établis par les recteurs des paroisses de tout le pays de Fougères.

Un médecin royal, le docteur Regnault, fut envoyé sur place; son rapport fut accablant: Parcé, dit-il, n'est pas la seule paroisse où il y ait bien des malades, Billé, Javené, Luitré, La Chapelle-Janson, Fleurigné, Le Loroux, Saint-Martin de Laignelet et bien d'autres en sont remplies. La dysenterie fait bien des ravages... La véritable cause de ces maladies est la mauvaise nourriture dont les pauvres malades se remplissent l'estomac. Des secours en pain, viande et aussi en riz sont envoyés aux recteurs pour soulager les pauvres. On ne sait d'ailleurs pas trop comment accomoder le riz. Afin de donner plus de consistance à la nourriture, on préconise de mêler un tiers de farine de blé noir à chaque cuisson de riz... Cette farine augmente le volume, fait une liaison avec le riz et ajoute à sa bonté.

Le riz qui, importé, arrive de Nantes conserve, dit-on, la vie à des familles entières qui, sans ce soulagement, auraient infailliblement péri de faim. Cependant la disette s'étend, bientôt ce sont les paroisses du nord de Fougères et du canton de Saint-Brice qui réclament du pain: les recteurs de Montours, la Selle-en-Coglès, Saint-Brice-en-Coglès, Saint-Hilaire-des-Landes, Monthault, Baillé, en proie à un profond et sincère désarroi, adressent au subdélégué de Fougères des lettres déchirantes. La ville de Fougères, elle-même n'est pas épargnée et le recteur de Saint-Léonard se plaint des pauvres des campagnes qui affluent en ville et qui augmentent considérablement le nombre de pauvres à secourir dans sa paroisse. Le recteur de Saint-Sulpice, M. Vallée, commente : Nous avons la douleur de voir nos pauvres paroissiens malades sur leur grabat, sans pouvoir fournir les secours et les remèdes dont ils ont un besoin extrême... Ayez pitié de nous, aidez-nous à faire vivre et soulager nos pauvres et nos malades...

Les seigneurs sont invités à participer au soulagement des populations et notamment à fournir le pain et le lait. Pour la plupart, ils répondent à cet appel et se dévouent déjà depuis longtemps à cette noble cause. La générosité de la marquise de Saint-Brice, des dames de Farcy de Mué, du Bois-Février et du Bois-Guy ou du comte de La Bélinaye est régulièrement signalée dans les documents de l'époque qui racontent toutes ces misères.

Il faut aussi penser aux prochaines semailles et le temps allait venir où il faudrait semer le blé noir sur lequel reposait l'alimentation principale de nos braves gens de la campagne. Il fallait trouver de la semence; celle-ci était si rare et surtout si chère car les grains destinés à être semés avaient été consommés. Le Gouvernement de la province envoya des semences de blé noir et 7.000 livres de blé qui devront être répartis entre les paroisses. S'ajoutent également des sommes d'argent qui permettront d'acheter du grain et de tenir jusqu'à la prochaine récolte. Précieuse récolte qui allait redonner enfin la vie, un peu de joie, un peu de soleil dans les yeux de tout un peuple.