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Nourrices

Les petits Fougerais en nourrice à Javené

DDe nos jours, les assistantes maternelles et les crèches enfantines facilitent le placement des enfants en bas-âge. Ce problème a toujours été récurrent. Il préoccupe les parents qui doivent confier leurs jeunes enfants à une autre personne s’ils veulent exercer leur profession; le choix est à la fois difficile et crucial, chacun voulant trouver la meilleure nourrice possible qui saura donner à son enfant soin, amour et tendresse.

Avant la guerre de 1914-1918, on essayait, de préférence, de trouver une nourrice à la campagne où le bébé pourrait également profiter et bénéficier d’un bon air, en plus bien entendu, des soins nécessaires prodigués par une femme d’expérience.

Les nourrices sevreuses ou gardeuses devaient se déclarer à la mairie afin d’obtenir l’approbation du maire et d’un médecin si elles voulaient exercer cette fonction. Elles ne pouvaient garder plus de deux nourrissons à la fois, sauf autorisation spéciale et il leur était interdit d’allaiter un autre enfant que celui qui leur était confié. L’enfant devait être nourri au sein, au biberon ou à la chèvreSelon les recommandations médicales contenues dans la loi du 23 décembre 1874 relative à la protection de l'enfance et rappelées dans le <i>carnet de nourrice à la chèvre</i> dans lequel il est écrit, entre autres:<br>1°- Pendant la première année, la seule nourriture de l'enfant doit être le lait, celui de sa mère surtout qui est toujours préférable, ou, à son défaut, celui d'une nourrice. Le sein doit être donné toutes les deux heures, environ, et moins souvent la nuit.<br>2°- À défaut de lait de femme, se servir de lait de vache ou de chèvre, tiède, et d'abord coupé par moitié, puis, quelques semaines après, par quart d'eau légèrement sucrée.<br>3°- Pour faire boire ce lait, employer des vases de verre ou de terre et les nettoyer avec soin toutes les fois qu'on s'en est servi; ne jamais se servir de vases d'étain, qui contiennent toujours du plomb; éviter l'usage des suçons de liège ou d'éponge que l'on met quelquefois entre les lèvres de l'enfant pour calmer sa faim ou ses cris.. Du moins, c’est ce que disait la loi.

Quelques documents d’archives municipales nous ont permis de réaliser une petite étude sur le placement des enfants à Javené entre 1899 et 1914, qui porte sur le placement de 153 enfants et qui révèle que Javené, de par sa proximité de la ville de Fougères sans doute, ne compte pas moins de 44 nourrices agréées à cette époque.

En général, l’enfant est placé dès les premiers jours qui suivent sa naissance – parfois dès le lendemain – et ne reste jamais plus de deux ans chez sa nourrice, limite d’âge prescrite par la loi. Les nourrices sont généralement âgées de 30 à 60 ans et sont chargées elles-mêmes de trois à huit enfants! Certaines d’entre elles sont réputées et la palme revient à la dame Coquelin, de la Rue-Chevrel (L’Euchevret) qui reçoit 17 enfants en treize ans, suivie par les dames Hervel, de la Savatais, avec 14 enfants accueillis et Turcas, de la Cherbonnière, avec 13 enfants.

Sur 141 couples de parents, la majorité vit des métiers du cuir (64 femmes sont chaussonnières et 6 hommes partagent le métier d’ouvrier en chaussures et de cordonnier). 27 parents sont débitants de boissons. En revanche, on trouve très peu de cadres et d’employés chez les parents des enfants placés (5 industriels et 14 employés divers) et l’on peut s’étonner de voir 37 mamans qui n’exercent aucune profession!

Quant aux tarifs, ils varient de 15 à 30 francs par mois avec une moyenne générale de 22 francs. Ces tarifs sont variables et dépendent, outre de la proximité immédiate de la ville, de la profession des parents. On demande généralement moins cher pour la garde d’un enfant d’ouvrier que pour celui d’un ménage plus aisé.

Il semble même qu’il y ait quelques marchandages car il n’est pas rare de voir des enfants placés chez la même nourrice à des tarifs différents à quelques jours d’intervalle: 21 francs pour un couple de chaussonniers et 27 francs pour un marchand de bois dont l’épouse est sans profession. On va jusqu’à demander 40 francs à un inspecteur d’assurances pour la garde de son fils âgé de cinq jours dans une ferme de la Hayais.

La concurrence s’installe parfois entre les nourrices, bien qu’en général les tarifs soient relativement stables, comme au village de la Rivière où deux voisines proposent simultanément 17,50 francs et 24 francs par mois.

Si l’on remarque que les nourrices qui pratiquent le tarif le plus élevé sont celles qui habitent le plus près de la ville, on constate aussi que ce ne sont pas elles qui reçoivent le plus d’enfants.

Les conditions financières dans lesquelles vivent les ouvriers des usines de chaussures à cette époque ne leur permettent pas de payer de fortes mensualités pour la garde de leurs enfants. Ainsi, ce sera dans le Sud de la commune de Javené que seront placés les enfants et l’on comptera 17 nourrices dans ce seul secteur sur les 44 recensées et ce seront elles qui, en nombre, recevront le plus d’enfants.

À Javené, les enfants sont tous nourris au biberon; un seul est sevré, ce qui est mentionné sur le registre. Cet enfant arrive, il est vrai, alors qu’il est déjà âgé de 18 mois, il demande donc moins de soins; sa nourrice demande 15 francs par mois à ses parents qui exercent la profession de débitants de boissons.

Relativement peu d’enfants meurent chez leur nourrice (11 enfants en 15 ans), ce qui comparativement au nombre d’enfants décédés en bas-âge à l’époque, semble un chiffre tout à fait rassurant. Javené a donc de bonnes nourrices!

Par rapport au siècle précédent, d’évidents progrès avaient été réalisés dans le domaine de la protection de l’enfance – des mentions de vaccinations commencent à apparaître en 1909 et l’on voit les municipalités javenéennes se préoccuper et s’associer aux mesures prises en faveur des enfants – même si elles peuvent nous sembler insuffisantes aujourd’hui.

Les nourrices de Javené

LieuNourrice(s)
au BourgMesdames Gaudin, Rébillon et Jourdan
à la HayaisMadame Jourdan
à la CharbonnièreMadame Turcas
à la BoitardièreMadame Taligot
à la RivièreMesdammes Hubert et Meslier
aux LonchardièresMadame Boutros
à CureMadame Clossais
à MézaubertMesdames Royer et Mariau
à la LandeMadame Gaillard
à la PihonnièreMesdames Blanchet et Grouazel
à GalachéMadame Simon
au moulin de la MarcheMadame Georgeault
à la Rue-ChevrelMesdames Masson et Coquelin
à la TremblaisMadame Seguin
au Clos-QuentinMadame Dufeu
au Champ-CourtMesdames Tual, Bonnant et Cochon
au Chemin-BigotMadame Morin
à la TufferaisMesdames Cherel, Liger et Lepage
au moulin de BécanMadame Lenoir
à la JavelaisMesdames Leray et Mongodin
à MébénardMadame Lebossé
à la GenièreMesdames Guillaume, Bretonnière et Dupas
à la BrûleraisMadame Chauvin
à la SavataisMadame Herbel
S’ajoutent aussi Mesdames Aury, Gariault et Férard dont le domicile
n’a pas été précisé sur le registre étudié.

En 1912, le maire, Pierre Malle apporte son soutien à la dame Turcas qui a été suspendue par le docteur Gastel, médecin inspecteur. Déjà, en 1898, il s’était opposé au médecin chargé de l’aide médicale gratuite dans le secteur en refusant le paiement de ses mémoires. Cette fois, il se plaint directement au préfet:
Plainte au préfet contre le Docteur Gastel, médecin inspecteur qui a fait suspendre la dame Turcas, nourrice excellente, pendant deux ans. Le docteur Gastel ne se serait pas montré si exigeant si les enfants en nourrice n’avaient pas été visités par un autre médecin de Fougères appelé par les parents. Le Conseil, à l’unanimité, reconnaît le parti-pris montré par le Docteur Gastel à l’égard de la femme Turcas et il se permet de signaler à M. le Préfet, l’animosité injustifiée que le docteur Gastel montre quelques fois contre certaines personnes et l’irrégularité avec laquelle il fait ses visites aux nourrissons. Le Conseil émet le vœu que le docteur Gastel soit remplacé par un autre médecinDélibération du 17 novembre 1912..

Profession des parents

père père mère 
chaussonnier51bourrelier1chaussonnière64
cordonnier13cerclier1sans profession37
débitant de boissons12charpentier1ménagère4
journalier5charron1cultivatrice3
meunier5cirier1débitante de boissons3
voyageur de commerce5concierge1tailleuse3
boucher4coutelier1couturière2
employé de commerce4épicier1fileuse2
menuisier4facteur à la poste1blanchisseuse1
cultivateur3garçon de café1bouchère1
mécanicien3inspecteur d’assurances1cartonnière1
tailleur d’habits3peintre1employée de commerce1
ajusteur au chemin de fer2plombier1épicière1
coiffeur2scieur de bois1ouvrière en robes1
comptable2surveillant1  
fabricant de chaussures2typographe1  
marchand de bois2voyer1  
peigneur2    

Lait de chèvre et chèvres nourrices

Bien qu’ignorant l’exacte valeur nutritive du lait de chèvre, des mamans pleines de bons sens, ont, depuis des lustres, offert à leurs nourrissons privés du sein maternel, du lait de chèvre. Durant des siècles, nos chèvres sauvaient l’enfant d’une effroyable mortalité infantile. Le recours à la chèvre pour nourrir un enfant était acte si commun que nul ne s’en étonnait. Olivier de Serres, écrivait à son propos Laictage meilleur et plus sain que celui des brebis. De même, vers 1570, Montaigne, dans ses Essais, s’émerveille à voir les petits enfants accroupis pour téter les chèvres lorsque la maman ne pouvait les nourrir.

Plus près de nous, le 15 janvier 1776, le sieur Bremond, seigneur de Saint Léger près de Melle (Deux Sèvres) charge deux notaires de constater que Madeleine Lacombe, métayère au village de Gicorne a bien élevé ses cinq enfants en les faisant téter des chèvres. Le résumé de l’acte long de trois pages dit : A tous ceux qui sont présents verront salut en notre Seigneur… nous notaires royaux à Melle… sommes transportés à Gicorne et constatent: que les enfants paraissent jouir d’une bonne santé, gros, gras, forts pour leur âge, que la mère se déclarant sans lait à sa première couche faisait téter sa fille la tenant sur ses genoux 10 –12 fois par jour à une chèvre, opération qu’elle répéta pour ses quatre autres,.que se connaissant grosse, Madeleine Lacombe gardait une chèvre sans l’envoyer au bouc pour avoir du lait de cette bête seize à dix huit mois, que les enfants se sont toujours bien portés et n’avaient jamais eu la colique ainsi que nous le voyons actuellement bien profités, gras, bien façiés , le teint vif et vermeil. Fait et passé en notre juridiction. Les sieurs Danyau et Challe notaires

Dans «Le Cours complet sur l’agriculture l’Abbé Rozier  énumère toutes les raisons qui doivent donner la préférence au service de la chèvre plutôt qu’à celui de la nourrice: En confiant à une nourrice mercenaire dont le comportement ne correspondait pas à celui de l’enfant équivalait à l’exposer dangereusement. Les maladies du corps, les passions de l’âme passant par le sang et le lait transmettait passions et infirmités. Risque aggravé pour l’enfant si la nourrice a été dérangée dans sa conduite ou si son mari a vécu ou vit dans la débauche; si la nourrice est enceinte, son lait sera de piètre qualité et pernicieux si elle nourrit plusieurs enfants à la fois, d’où une mise en garde appuyée. Au XIXème siècle, médecins de ville ou de campagne préconisent toujours le lait de chèvre pour tout nourrisson suspendu à un sein maternel asséché.

Manière de faire boire un nourrisson
à la chèvre.

Les résultats enregistrés par Crépin dans La chèvre sont excellents:
1852 à Neuilly le Réal (Allier) - Un médecin du Nord aurait vu un enfant ressuscité grâce au lait de chèvre. Deux jumeaux nés faibles, nourris alternativement par la mère et une chèvre profitent très bien et deviennent voraces. 1874 – A Paris, deux nouveaux nés présentant des caractéristiques de maladies contagieuses. Une alimen-tation assurée durant six mois avec du lait de chèvre est couronnée de succès.
1899 – Mme Laforêt signale au journal L’Association que son second fils élevé au pis d’une chèvre est plus fort et plus robuste que son autre élevé par une nourrice, elle donne aussi des conseils pour faire boire l’enfant au pis de l’animal à savoir: mettre la chèvre à genoux, tenir les pattes avant d’une main, basculer l’animal et poser un oreiller sur la cuisse arrière tandis qu’une autre personne couche l’enfant le long de la chèvre et approcher le trayon. Nous ne savons si cette méthode était utilisée à Javené, ni même s’il y avait des chèvres, mais ce qui est certain c’est que le règlement alimentaire de l’époque autorisait les nourrices à le faire.

Il nous a semblé que cette manière d’allaitement, assurément peu ordinaire chez nous, mais autorisée, méritait simplement un plaisant petit rappel.

Mais revenons à Javené, précisément en cette année 1925, pour rappeler les conditions auxquelles les nourrices étaient soumises en matière de garde d’enfants. Nous avons eu en main un carnet de nourrice délivré à Rosalie Colas épouse Desgranges, pour la garde d’un petit Fougerais, Raoul Vieren, qui fut placé chez elle le 18 février 1925, le jour même de sa naissance.

Ce carnet de nourrice, numéroté 1637, est attribué à Madame Desgranges qui habite au village de la Baudussière, pour l’enfant Raoul Théodore Jules Vieren, et pour lui seul. Chaque carnet est individuel. Il comporte d’ailleurs un extrait d’acte de naissance de l’enfant. La nourrice est déclarée comme nourrice au biberon. Son carnet lui est délivré par la mairie de Javené le 21 février, quelques jours après l’arrivée de l’enfant dans son foyer. Sans doute, Madame Desgranges était-elle bien connue comme nourrice à Javené.

Le médecin-inspecteur était le docteur Paul Frémont, de Fougères, qui, chaque mois, venait visiter l’enfant, comme en témoigne la page du carnet de nourrice où il a noté les dates de son passage chez la nourrice, d’avril 1925 à octobre 1926. Généralement, les enfants ne restaient pas plus de deux ans chez leur nourrice. Lorsque l’enfant a été rendu à ses parents, s’il a été retiré, ou s’il est décédé, la nourrice doit rapporter son carnet à la mairie; le maire doit y veiller et envoyer un bulletin de situation de l’enfant à la préfecture de Rennes.

Pour bien rappeler aux nourrices leurs obligations, une page des condamnations infligées aux nourrices qui ne les ont pas respectées, est imprimée sur le carnet. Les motifs de poursuites engagées contre ces femmes vont de l’homicide involontaire par imprudence au colportage et à la vente de biberons à tube qui sont effectivement interdits d’utilisation.

Une fois bien averties de ce qui est arrivé à certaines de leurs collègues, les nourrices sont invitées à lire le Règlement:
Il est interdit aux nourrices:

  1. de se procurer un certificat médical chez un autre médecin que le médecin-inspecteur de leur circonscription,
  2. de se servir de biberons à tube,
  3. de donner à manger aux nourrissons avant d’en avoir obtenu l’autorisation du médecin-inspecteur,
  4. de coucher le nourrisson dans leur propre lit,
  5. d’avoir dans la pièce où est le berceau, des animaux domestiques, chiens, chats, etc,
  6. de tenir la lumière trop près du berceau,
  7. de se dessaisir de leur livret sous aucun prétexte.

Elles devront, en outre, être munies d’un garde-feu.
En cas de maladie grave de l’enfant, le médecin-inspecteur et la famille devront être immédiatement prévenus par la nourrice.
Le livret devra être rapporté le jour même de la remise ou du décès de l’enfant ou à l’accomplissement de sa deuxième année pour que M. le Maire en détache un des bulletins insérés aux pages 84bis, 84ter et 84quater.
Si l’enfant n’est pas vacciné, la nourrice devra, sous peine d’amende, le faire vacciner dans les trois mois où il lui aura été confié.
Les nourrices qui n’observeraient pas rigoureusement les prescriptions qui précèdent seraient poursuivies judiciairement.

Pour ce qui concerne la vaccination, en 1925, il ne s’agit encore que de la vaccination contre la variole rendue obligatoire par la loi du 15 février 1902 qui, dans son article 6, prescrit: La vaccination antivariolique est obligatoire au cours de la première année de la vie, ainsi que la revaccination au cours de la onzième et de la vingt et unième année.

Scène d’inoculation antivariolique
de bras à bras.
Tableau de Constant Desbordes (1761-1827) montrant le Docteur Aubert vaccinant l’enfant de Marceline Desbordes-Valmore entouré de ses deux sœurs.

On précise que la vaccination de bras à bras est rigoureusement interdite, suivant le vote de l’Académie de Médecine du 10 février 1903, et dorénavant les vaccinations et les revaccinations ne pourront plus être faites qu’avec du vaccin animal.
Il est rappelé aussi qu’il est obligatoire de faire procéder à la désinfection de tous les locaux qui auront été occupés par des personnes atteintes de maladies contagieuses. En conséquence, les personnes sui se chargent d’élever des enfants devront se conformer strictement aux prescriptions de la loi, et que toutes les fois qu’un des enfants qu’elles élèveront ou qu’un des membres de leur famille sera atteint d’une maladie déclarée contagieuse par le médecin traitant, elles seront obligées de s’entendre immédiatement avec le maire de leur commune pour faire désinfecter les lieux contaminés.

Le carnet ne manque pas de rappeler les 14 articles de la loi du 23 décembre 1874 sur la protection des enfants du premier âge, qui prévoit que Tout enfant de moins de deux ans qui est placé, moyennant salaire, en nourrice, en sevrage ou en garde hors du domicile de ses parents, devient, par ce fait, l’objet d’une surveillance de l’autorité publique ayant pour but de protéger sa vie et sa santé. Après 2 ans, l’enfant n’est plus soumis à la même surveillance, même s’il reste en garde chez une personne extérieure à sa famille. Le Règlement d’Administration Publique qui régit en 38 articles, l’application de la loi est également intégralement rapporté. Nul n’étant sensé ignorer la loi! on donne, en la circonstance, toutes les informations aux nourrices pour leur rappeler leurs devoirs et leurs obligations.

Jusqu’en 1903, c’était le maire qui délivrait aux nourrices de sa commune le certificat qui lui permettait d’exercer. On lui donnait une compétence qui ne devait pas être la sienne, comment pouvait-il juger médicalement si une personne était apte à remplir cette fonction de nourrice. Ce fut ainsi que le 13 mai 1903, l’inspecteur départemental de l’Assistance Publique fit un rapport au préfet qui prit un arrêté qui interdisait aux maires d’Ille et Vilaine de délivrer ces certificats d’aptitude sans qu’ils n’aient eu en mains, et au préalable, le certificat délivré exclusivement par le médecin-inspecteur de la circonscription. Ce qui nous semble bien logique, mais cela n’était pas prévu initialement par la loi de 1874.

L’inspecteur prétextait de nombreux abus en la matière et considérait qu’il importe de prendre toutes les mesures nécessaires à l’effet de restreindre autant que possible la mortalité dont sont l’objet les enfants du premier âge, placés en nourrice, en sevrage ou en garde dans le département, et d’éliminer autant que faire ce peut, les nourrices et éleveuses ne présentant pas toutes les garanties désirables.

Le biberon à tube (photo ci-contre) est également interdit depuis 1903, mais certaines nourrices l’utilisent encore car le biberon à tube permet par son emploi à la nourrice de s’absenter et de laisser l’enfant dans son berceau pendant des heures entières sans surveillance et sans soins de propreté; que donné sans discernement et souvent dans le seul but d’obtenir le silence de l’enfant, il ne permet pas, comme le biberon sans tube, d’espacer régulièrement les repas de l’enfant. En effet, ayant cette petite bombonne de lait à sa disposition dans un coin du berceau, la tétine laissée près de la bouche, le nourrisson buvait quand il voulait.

Une autre considération médicale avait fait interdire le biberon à tube, car on avait constaté que la plupart des enfants du premier âge qui mourraient en nour- rice succombaient à des maladies du tube digestif et qu’il est établi que presque toujours les troubles de l’appareil intestinal sont occasionnés par l’altération du lait ou l’alimentation prématurée donnée à l’enfant; que le lait peut s’altérer en passant dans le tube en caoutchouc du biberon où l’on trouve constamment des micro-organismes, germes des maladies.

Les nourrices qui continuèrent à utiliser ce genre de biberon s’exposaient à une interdiction d’exercer, au retrait immédiat de l’enfant et à des poursuites judiciairesArrêté préfectoral du 29 mai 1903 - du préfet d’Ille et Vilaine V. Rault..

Enfin, le carnet de nourrice donne tous les conseils aux mères et nourrices quant à l’allaitement naturel, à l’allaitement mixte ou artificiel, au sevrage et aux soins hygiéniques et aux vêtements du nouveau-né qui peut téter le sein pendant sa première année au moins, c’est-à-dire jusqu’à l’apparition des dix ou douze premières dents.

On rappelle que le pesage des nourrissons est le meilleur moyen de contrôler leur état de santé. C’est ainsi que l’on fournit un tableau de l’emploi du lait selon l’âge de l’enfant indiquant le nombre de tétées, la quantité de lait par tétées ou par 24 heures. Un autre tableau indique le poids normal de l’enfant et celui qu’il doit prendre par jour et par mois.

Nul doute que nos nourrices javenéennes ne dérogèrent en rien à toutes ces mesures qui n’avaient d’autre but que celui de protéger les enfants. En 1925, nous avions fait déjà de grands progrès et étions bien loin des façons de faire des nounous du XVIIIème siècle.