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Numérotage des rues de Fougères

Lorsqu’on numérotait les rues de Fougères

CC’est en 1794 que, pour la première fois à Fougères, l'on donna des numéros aux maisons des rues de la ville. À cette époque, Révolution oblige, on trouva de bon goût de changer le nom des rues et places en leur donnant un nom qui s’avérerait beaucoup plus patriotique. Le Conseil général de la Commune décide, en effet, lors de sa séance du 20 messidor an 2Archives municipales de Fougères – DD1 (8 juillet 1794), sur l’avis de la Société populaire du 25 prairial, d’attribuer les noms suivants:

Ancien nomNouveau nom
Place du BrûlisPlace du ThéâtrePlace Brutus
Porte-RogerPorte Brutus
Rue de l’AumaillerieRue ChâteaubriandRue de l’Egalité
Rue du FourRue Beaurepaire
Rue Saint-Josephsans doute la rue Lesueur, ancienne rue DerrièreRue de l’Unité
Place du Cimetièreancien cimetière Saint-Léonard, près de l’église.Place du Temple
Rue du Bourg NeufRue de la Pinterie (partie rue du Beffroi/Place du Théâtre)Rue du Temple
Grand-RueRue NationaleRue de la République
Rue du BoèleRue du BeffroiRue Marat
Rue de la Pinterie ou du Bourg Vieilde la rue du Beffroi à la rue de la FourchetteRue de la Montagne
Porte Saint-Sulpiceou Porte Notre-DamePorte de la Montagne
Pont de RilléPont de Rennes
Faubourg de RilléRue de RilléRue de la Révolution
Faubourg de l’EchangeRue de l’ÉchangeRue du Port-Malo
Faubourg du GastRue des Fontaines
Bas du Gast ou douve du châteauRue du ChâteauRue Le Bouteiller actuelle
Du presbytère Saint-Sulpice au moulin de la RocheRue du Nançon
Pont Grimaudière ou pont à BourdelPont du Nançon
Place du MarchixPlace Lepeltier
Faubourg SavignéRue de SavignyRue Lepeltier
La Bataille, depuis la maison de Demoniau jusqu’au moulin, étang sur Nançon, les Quatre Vents, le quartier donnant sur la prairie Saint-BriceRue des BataillesRue de la Victoire
Place RoyalePlace de l’Hôtel de VillePlace de la Fraternité
Porte Saint-LéonardPorte de la Réunion
Depuis la place Royale jusqu’à la Croix-BlancheRue de l’Union
Faubourg Léonard du coté de VitréRue de Vitré
Faubourg menant du côté d’IgnéRue de Laval
Grande DouveFuture place Lariboisière (en partie) vers rue de VerdunRue Voltaire
Rue Poitrine ou Bas du RoquetRue de Paris
Rue du ColombierRue de l’HospiceHospice Saint-Louis (aujourd’hui vers impasse rue du Tribunal). Cette rue qui rejoignait la rue des Prés a en partie disparu lors du percement du boulevard Leclerc dans les années 1960. Sinistrés en 1944, l’hospice Saint-Louis et sa chapelle ne furent pas reconstruits.
Petite Douve jusqu’au faubourg RogerPlace Aristide-Briand et une partie de la place Gambetta (ancien carrefour St-Jean)Place de la LoiC’est sur la Petite Douve que se dressa la guillotine et qu’eurent lieu les exécutions.
Rue des PrésRue des Prés
Faubourg RogerRue de la ForêtUne partie du faubourg Roger se trouvait en la paroisse de Laignelet. La limite se trouvait près de la chapelle Saint-Gorgon située au bas de la rue de la Caserne actuelle. Le couvent des Urbanistes était situé en la paroisse de Laignelet.
Rue du ParcRue du Parc
Rue des UrbanistesRue Simonneau
Rue des Trois-RoisRue RousseauRue Jean-Jacques Rousseau. Cette rue était bordée, d’un côté, par l’Hôtel du Bois-Lebon qui existe toujours, où naquit Aimé du Bois Guy, et de l’autre côté par une partie de l’Hôtel Gefflot de Marigny habité par la sœur de Chateaubriand.

La délibération se termine en demandant qu’il soit passé un marché par adjudication à qui pour moins voudra se charger de l’inscription du nouveau nom des dites rues aux conditions qui seront réglées.

Cette liste, en nous donnant le nombre des rues existantes alors à Fougères, a aussi l’avantage de nous faire connaître leurs anciennes dénominations. Nous constatons également que certaines d’entre elles ont retrouvé leur appellation d’origine.

Le 13 thermidor suivant (31 juillet 1794) a lieu, à l’hôtel de ville, l’adjudication sur ce qu’il s’est présenté des citoyens qui désirent se charger de l’inscription des numéros, noms des rues et places publiques.

Pour ce faire, le Conseil général de la CommuneLe maire et son conseil municipal a établi une sorte de cahier des charges qui précise, en 16 articles, les conditions imposées à l’adjudicataire. À savoir:

Art. 1Les noms désignés seront inscrits aux extrémités de chaque rue et place, savoir à une extrémité de la rue et place d’un côté et à l’autre extrémité du côté opposé, sur une planche de bois ayant deux pieds de long sur neuf ou dix pouces de largesoit environ 66 cm sur 27 cm.
Art. 2Chaque planche ayant ces dimensions sera d’abord enduite de trois couches de peinture à l’huile couleur marron, et les lettres, chiffres et autres caractères seront peints sur la dernière couche en couleur blanche, d’une couche seulement.
Art. 3Les lettres et chiffres auront au moins trois pouces de hauteurenviron 6 cm sur une largeur bien proportionnée et porteront une ombre suivant les règles de l’art afin que sa lecture en devienne plus facile.
Art. 4Chaque planche sera attachée aux murs avec trois patte- fiches en fer, savoir deux en dessous et une en dessus à une hauteur suffisante pour la mettre à l’abri des dégradations.
Art. 5S’il se rencontre sur les murs des plans en pierre de grain propres à recevoir les inscriptions, l’entrepreneur pourra en profiter pour les y peindre comme il l’eut fait sur les planches et dans ce cas, il sera dispensé de la fourniture de la planche et des patte-fiches.
Art. 6Chaque inscription, outre le nom de la rue ou de la place, à laquelle elle sera destinée, portera l’indication de la section de la commune dans laquelle la rue ou la place, ou le côté de la rue ou de la place, seront situés, au moyen de la lettre S, initiale du mot section, accompagnée des chiffres 1, 2, 3, 4, etc… et placée au dessus ou au dessus de l’inscription et sur une planche ajustée s’il est nécessaireLa ville avait été divisée en plusieurs sections, notamment une section occidentale et une section orientale. Un peu comme on retrouve la ville divisée en deux cantons aujourd’hui (Nord et Sud)..
Art. 7Le nombre des rues et places de la communes étant de 33, celui des inscriptions sera de 66, mais outre ces 66 inscriptions, l’entrepreneur sera encore tenu d’en peindre sans augmentation qui résultera de l’adjudication, quatre autres tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de la maison commune.
Art. 8Les quatre inscriptions que l’entrepreneur peindra à l’extérieur et dans l’intérieur de la maison commune seront, pour l’extérieur, Maison commune, et pour l’intérieur : Secrétariat Greffe, Bureau militaire et Salle des Séances publiques. Ces inscriptions seront peintes comme les autres, savoir, dans l’intérieur, sur les portes des chambres dont elles indiqueront l’usage, et à l’extérieur, au dessus de la porte de la maison commune.
Art. 9Si l’entrepreneur est requis par les propriétaires ou locataires des maisons d’exécuter l’inscription ou numéro d’ordre qui devra être placé sur chaque maison en commençant dans chaque rue ou place par le numéro premier jusqu’à celui qui exprimera le nombre des maisons contenues dans chaque rue ou place, il ne pourra se dispenser de déférer à leurs réquisitions.
Ces numéros d’ordre auront une hauteur de trois pouces sur une largeur bien proportionnée et seront peints en blanc avec ombre sur la troisième couche de peinture marron appliquée sur une planche de bois longue d’un pied et large de six poucesEnviron 33 cm sur 12 cm
Le maximum du prix que l’entrepreneur pourra exiger des propriétaires des maisons ou des locataires qui s’en feront rembourser par les propriétaires, sera de 15 sols pour façon et fourniture de la planche de bois et la peinture du fond, d’un ou plusieurs caractères, non compris la pose.
Si la planche en bois est fournie à l’entrepreneur, il ne pourra, au plus, exiger que 10 sols pour la peinture.
Art. 10Les 70 inscriptions seront exécutées dans un mois à compter du jour de l’adjudication.
Art. 11L’entrepreneur garantira son ouvrage pendant deux ans qui commenceront du jour de l’entière exécution constatée par la réception.
Art. 12L’entrepreneur sera payé de la moitié du prix résultant de l’adjudication lorsque 35 inscriptions auront été parachevées, et de l’autre moitié lorsque les 70 inscriptions seront entièrement exécutées et reçues.
Art. 13L’entrepreneur payera les frais de banniespublication officielle par le tambour de ville ou par voie d’affiches et d’enregistrement de l’adjudication.
Art. 14L’adjudicataire fournira dans une décadedans les 10 jours. une caution domiciliée dans la commune et solvable.
Art. 15Les concurrents à la présente adjudication au rabais offriront d’exécuter les 70 inscriptions ci-dessus mentionnées et de remplir les autres conditions exprimées dans les articles précédents pour la somme qu’ils demanderont à raison de chacune des 70 inscriptions relatives aux rues et places.
Art. 16Les citoyens Le Mercier et Brochet, officiers municipaux, sont chargés de surveiller l’exécution des ouvrages ci-dessus.

Dans ce cahier des charges, nous remarquons que la ville prend en charge la confection des plaques des rues mais qu’elle laisse la pose des numéros sur les maisons à la discrétion des propriétaires. On recherche aussi une certaine harmonie et on impose une certaine unité dans la confection des plaques.

En ce qui concerne les numéros, il n’est pas précisé si la numérotation doit se faire de chaque côté de la rue, avec des chiffres pairs ou impairs. On demande seulement de commencer par le premier chiffre, soit le numéro 1. Chaque rue devait donc se numéroter en continu en partant d’un bout de la rue jusqu’à son extrémité et la numérotation devait se poursuivre en traversant la rue pour repartir sur la maison d’en face et ainsi continuer jusqu’à l’extrémité du côté opposé.

La ville de Fougères compte alors 33 rues, ce qui correspond encore à l’ancienne ville close et à quelques faubourgs.

À cette séance d’adjudication, se présentent trois artisans qui désirent se charger de l’ouvrage dont est cas. Il s’agit des citoyens Gobert, Bigot et Houet.

Gobert propose 100 sols1 livre vaut 20 sols ; 1 sol vaut 12 deniers ou 4 liards ; un liard vaut 3 deniers ; un denier vaut 1/12e de sol ; 1 écu vaut 3 livres., c’est-à-dire 5 livres pour chaque inscription ; Bigot en propose 4 livres dix sols et Pierre Houet 4 livres.

Comme personne n’a voulu s’en charger (du travail) à moindre prix, le Conseil adjuge au citoyen Pierre Houet, vitrier à Fougères, la confection et la pose des plaques de rues qui promet de rendre son ouvrage d’aujourd’hui en un mois.

C’est aussi en cette année 1794 que l’on demande aux Fougerais de clore leur propriété. Les rues ne sont pas sûres la nuit et on dénonce des intrusions de chouans dans la ville le soir venu. C’est alors que la Municipalité, dans sa séance du 29 vendémiaire an 3 (20 octobre 1794), prend cet arrêté:

... considérant que la sûreté des habitants des faux-bourgs exige qu’il y ait à toutes les allées des portes et sur la rue et sur leur jardin ; que cette clauture (sic) est même prescrite par un arrêté du Représentant du Peuple Laignelot, arrête:
Art. 1erTous les habitants de la commune qui habitent soit dans l’intérieur, soit dans les faux-bourgs , sont tenus dans le délai de la décade de faire clore les allées de leur habitation tant sur la rue que sur les derrières par une porte solide sur chaque issue, sauf leur recours vers le propriétaire pour la dépense de cette clôture.
Art. 2Il leur est enjoint de tenir ces portes fermées au moins à neuf heures du soir en hiver et dix heures en été.
Art. 3Les commissaires de police surveilleront exactement cette fermeture et pour assurer davantage son exécution, il sera nommé des commissaires pour chaque quartier.
Art. 4Ces commissaires également que les commissaires de police dénonceront à l’agent national les abus et les contraventions au présent arrêté, lequel demeure chargé de poursuivre, de faire punir les délinquants suivant la rigueur de la loi.
Art. 5Il sera écrit au commandant de la force armée à l’effet de s’engager à faire surveiller par de fréquentes patrouilles les mêmes contraventions, de donner note à l’agent national des rapports qui seraient faits à ce sujet et afin qu’il soit à lieu d’agir contre les délinquants.

L’article 6 de cet arrêté désigne les citoyens fougerais chargés de surveiller l’exécution de la décision municipale dans leur quartier. Il s’agit de: Launay et Hairel pour la rue de la Forêt et celles y annexées, c’est-à-dire pour le faubourg Roger. Pour les rues de Paris et de l’Hospice, sont désignés les sieurs Pétel, Champrobert et Berhault dont on précise qu’il exerce la profession de tisserand: pour les rues de Vitré et de Laval, les nommés Alexandre Triquet, Dardenne et Etienne Echard ; pour le Marchix, Harée, Pétel, Martin et Gratien et pour la rue de la Révolution, c’est-à-dire la rue et le quartier de Rillé, les citoyens Morel et Dorange.

Pendant plusieurs années encore, au cours de la Révolution, les édiles fougerais prendront d’autres mesures, parfois contraignantes pour les habitants, afin d’assurer la sécurité publique. Depuis 1793, les campagnes sont peu sûres, la ville reste sur ses gardes, la peur d’une action armée menée par les Chouans contre la ville reste vive. Nous verrons même la municipalité interdire, sous peine de prison, le port de masques et de déguisements pendant le carnaval par crainte que ne se cachent parmi les travestis des brigands mal intentionnés. Mais ceci est une autre histoire.