Your browser does not support JavaScript!
restaurer les menus
L’hôpital Saint-Nicolas et les apothicaires

La difficile relation de l’hôpital Saint-Nicolas
avec les apothicaires de la ville

LLes apothicaires de la ville de Fougères se regroupèrent en communauté, sorte de confrérie, de syndicat, dirions-nous aujourd’hui, en 1684.

À cette époque, de par leurs statuts, ils s’engageaient à fournir les drogues et les remèdes nécessaires aux malades de l’hôpital Saint-Nicolas, s’imposant une charge sidérée au profit des pauvres en faisant une charité honnête suivant leur état et leur faculté.

Un apothicaire desservant était désigné à tour de rôle pour remplir cette mission pour laquelle selon l’article 16 des statuts, l’hôpital s’engageait à verser une somme annuelle de 150 livres afin de couvrir les dépenses afférentes à la fourniture de médicaments, hors les périodes d’épidémie où l’hôpital Saint-Nicolas pouvait accorder une gratification supplémentaire.

78 ans plus tard, en 1762, les appointements des apothicaires n’avaient pas évolué. Pourtant la ville avait changé: la situation démographique et économique n’était plus la même. Aussi, les apothicaires adressèrent-ils une requête aux administrateurs de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas afin d’exposer leur situation car la fourniture des remèdes à l’hôpital devient, disent-ils, un fardeau pesant et onéreux, par conséquent ruineuxArchives municipales de Fougères – 1 B10-12 (archives hospitalières).

Les apothicaires fougerais d’alors se nomment Gesnouin, Valet, P. Petel, Lesage, Le Noir et Cocherie.

L'hôpital Saint-Nicolas - appelé aussi Maison-Dieu - était situé à l'extrémité de la rue Lesueur en face de l'église Saint-Léonard. Il comprenait l'hôtel du Châtellier qui subsiste toujours et une chapelle. Les religieuses Augustines qui l'occupaient en furent dessaisies à la Révolution. Elles se résinstallèrent à partir de 1810 rue de la Forêt - Hôtel-Dieu. La chapelle Saint-Nicolas, devenue le dépôt d'un couvreur après la Révolution, fut rasée lors de l'ouverture de la rue Pommereul vers 1865. L'ancien hôpital fut transformé en caserne. Les sapeurs pompiers l'occupèrent jusqu'à leur établissement boulevard de Grolay.

Le 18 mai 1762, les apothicaires prétendirent avoir déjà déboursé plus de 200 livres de médicaments au premier semestre de l’année; leur perte est déjà de 50 livres sur la somme annuellement attribuée. Comment feront-ils pour honorer leur contrat le reste de l’année? Ce qui ne peut manquer d’occasionner une perte considérable au fournisseur actuelArchives municipales de Fougères – 1 B10-12 (archives hospitalières) car ils peuvent prouver leurs allégations en présentant à l’examen des administrateurs de l’hôpital les nombreuses ordonnances du médecin.

Outre cette perte financière, les apothicaires remontrent aussi que par un usage des plus abusifs, on prétend les assujettir à fournir à l’Hôtel-Dieu de la réglisse pour les tisanes, ce qui, le long de l’année, fait un surcroît de dépense au fournisseur duquel on exige aussi le miel pour les lavements

On sait, disent-ils, que la réglisse entre moins en les tisanes comme salubre que comme agréable, qu’on sait pareillement que les remontrants ne vendent point de miel et qu’il est bien disgracieux pour eux de se voir obliger d’aller acheter cette denrée chez le marchand lorsque l’hôpital en manque, achat qui ne doit regarder que l’économe; la seule fourniture des remèdes regarde les apothicaires mais non pas tout ce qui est accessoire, autrement le fournisseur serait tenu à donner l’orge, les raisins, l’oxyeraBoisson faite d’un mélange de vinaigre et d’eau, connue et utilisée depuis l’antiquité grecque, le vinaigre sural, l’eau-de-vie... ce qui n’a jamais été d’usageArchives municipales de Fougères – 1 B10-12 (archives hospitalières).

Ils demandent également que soit prise en compte la fourniture faite aux militaires de passage admis à l’Hôtel-Dieu, qui selon eux est beaucoup plus dispendieuse que celle des autres citoyens. Ils prient les administrateurs de remédier aussi au fait que les malades de la ville ou des environs qui pour une certaine somme qu’ils donnent à l’hôpital pour se faire soigner pour blessure, fracture ou autre indisposition ne frustrent pas le fournisseur de remèdes d’un paiement proportionné à la somme qu’ils auront donnée, car, rappellent-ils, leurs vues premières ne sont qu’en faveur des plus pauvres qui, à défaut de tout moyen, ne peuvent se procurer aucun soulagement.

Ainsi les apothicaires souhaitent-ils que les malades les plus aisés ne profitent pas de leur charité envers les pauvres et payent les soins qui leur sont dispensés.

À la suite de cette requête justifiée des apothicaires, les administrateurs de l’hôpital se réunirent pour délibérer sur leurs remontrances. Le Bureau est constitué du sénéchal et du procureur du roi, de l’abbé Bougret, recteur de Saint-Léonard, de l’abbé Vallée, recteur de Saint-Sulpice, de l’abbé Boiton, gardien de l’hôpital, de Messieurs Blanchoin de Villecourte, de Méguérin-Malhère, des Orières-Reste, Lecoq de la Richerais, Baston de Bonnefontaine, Lecapelain, Jean Louvel, Pattard et Deffez.

Après bien des discussions, on se résout à accorder une augmentation de 50 livres à la somme allouée, ce qui la porte de 150 à 200 livres par an parce que les apothicaires sont tenus de faire toutes les fournitures nécessaires et accoutumées à l’hôpital et de fournir les médicaments tant internes qu’externes. Par ailleurs, le Bureau se réserve la possibilité de récompenser les apothicaires pour leur dévouement en cas d’épidémies. Quant aux militaires, les apothicaires ont déjà obtenu un arrêt de la Cour en 1704 leur octroyant 2 sols par jour et par soldat entrant à l’hôpital, aussi le Bureau d’administration de Saint-Nicolas ne désire t-il pas aller plus loin dans cette gratification qui déjà est prélevée sur la somme de 14 sols payée par le roi à l’hôpital pour les militaires.

Les apothicaires de la ville qui assistèrent aussi aux débats acceptèrent ces nouvelles conditions. Ils eurent cependant le tort de ne pas inclure dans la négociation une clause qui permettrait une réévaluation de la somme allouée. Aussi, s’ils avaient attendu 78 ans pour obtenir une augmentation, l’avenir se montrait tout aussi incertain... ils auraient droit à 200 livres pour bien longtemps sans doute... et c’est ce qui arriva.

18 ans plus tard, ils en étaient toujours à 200 livres, ce qui les engagea à demander une nouvelle augmentation en 1780.

Si leur demande de 1762 avait été suivie d’effet et avait reçu une réponse positive sans trop de difficulté, en 1780 ce fut une toute autre histoire. Commença alors une longue querelle qui aboutit, par avocats interposés, devant le Parlement.

Après diverses transactions, les apothicaires réussirent à obtenir quelques deniers supplémentaires aussitôt contestés par l’Hôtel-Dieu, l’arrêt en appel du Parlement ne nous est pas parvenu, aussi ne saurons-nous sans doute jamais la finalité de cette histoire. Cependant, les deux parties, dans leurs requêtes respectives et successives, n’hésitèrent pas à étaler leurs griefs les unes contre les autres, à exprimer des vérités pas toujours agréables à dire ou à entendre. Pour reprendre une expression plus populaire, nous dirions qu’ils lavèrent leur linge sale sans pudeur, non pas en famille mais sur la place publique.

Ce déballage est malgré tout très intéressant et très instructif car il nous apporte énormément d’éléments à la fois sur le fonctionnement de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas et sur la situation de la ville de Fougères à cette époque.

Le 6 mars 1780, sans doute après n’avoir obtenu aucun succès près des administrateurs de l’hôpital, les apothicaires fougerais s’adressèrent directement au Parlement dans une très longue requêteArchives municipales de Fougères – 1 B10-13 (archives hospitalières).

Ils y rappellent succinctement la vocation première de leur communauté depuis 1684, à savoir le service de l’indigence et l’article 16 de leurs statuts qui est tout à l’avantage des pauvres et font un petit rappel historique de leur passage de 150 à 200 livres par an, accepté par les administrateurs de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas en 1762.

En 1684, par rapport au petit nombre d’habitants à Fougères et au nombre de lits à l’hôpital (19 lits à l’époque), la somme qui avait été primitivement allouée semblait suffisante pour couvrir la fourniture des remèdes. Depuis, précisent les apothicaires, le numéraire a beaucoup augmenté, les remèdes coûtent beaucoup plus cher, le marc d’argent qui ne valait que 29 livres 6 sols en 1684 est aujourd’hui à près de 50 livresArchives municipales de Fougères – 1 B10-13 (archives hospitalières).

Déjà lorsqu’ils avaient réclamé et obtenu une augmentation en 1762, le nombre d’habitants de la ville s’était accru, la capacité de l’hôpital était de 38 lits et on se proposait d’en ajouter 8 supplémentaires.

Jusqu’à présent six grandes routes s’ouvraient en Bretagne, disent-ils, mais en 1780, les grandes routes d’Ernée et de Saint-Hilaire (du Harcouët) s’achèvent de sorte que la ville va devenir un passage de troupes et la fourniture de médicaments risque donc d’être plus considérable qu’au passé.

En conséquence, les apothicaires demandent donc une nouvelle augmentation de 50 livres par an, et réclament encore une fois 2 sols par soldat entré à l’Hôtel-Dieu extirée de la paye de 14 sols que l’hôpital reçoit du roy.

Ces 2 sols par soldat, pourtant accordés par un décret du Parlement en 1704, ne semblent pas avoir été payés par les administrateurs car ils font partie des revendications des apothicaires en 1762 et en 1780. Ce sera d’ailleurs l’un des principaux point de désaccord entre l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas et les apothicaires. L’hôpital s’obstinera, nous le verrons, à refuser cette allocation.

La demande des apothicaires a pour avantage de nous renseigner sur la situation de la ville et de l’hôpital. Nous apprenons notamment que depuis neuf à dix ans, c’est-à-dire depuis 1770, des épidémies contagieuses sévissaient à Fougères – conséquences souvent liées à des périodes de disette<i>La disette au Pays de Fougères ou le terrible hiver 1771-1772</i>, par M. Hodebert, in Bulletin archéologique et historique de Fougères – Tome XXVII – année 1988. – et que ces épidémies, généralement de dysenterie, commençaient généralement en juin pour ne s’achever qu’en décembre.

Lors de ces épidémies, le Bureau de l’Hôtel-Dieu, qui se réservait la possibilité de dédommager les apothicaires, s’est contenté, disent-ils, d’accorder une somme modique, de sorte que l’un d’eux a perdu dans son année plus de 600 livres de ses déboursés sans parler de l’exécution des ordonnances et préparations des remèdes chirurgicaux qui occupe les ¾ du temps de l’apothicaire fournisseurArchives municipales de Fougères – 1 B10-13 (archives hospitalières).

Par ailleurs, depuis 1769, les apothicaires nous apprennent que Fougères est devenue un entrepôt pour la troupe et qu’il y a toujours une garnison de cavalerie en ville. De plus, le château ayant été réparé pour y recevoir des prisonniers de guerre, on y a fait venir un détachement d’infanterie. C’est ainsi qu’en 1780, Fougères accueille en ses murs un régiment du Royal Corse infanterie et les Dragons de Lorraine.

Et d’ajouter que la moitié des troupes qui ont entré en Bretagne depuis deux ans et qui en sont sorties a passé par Fougères (sic). Cette affluence de militaires en ville a bien entendu surchargé l’hôpital et plus encore les apothicaires. Cela est si vrai que l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas a dû établir une nouvelle chambre pour les malades militaires et que de 38 lits, on est passé à 89 lits compris les lits des enfants qui ont besoin comme les autres malades de remèdes.

La majeure partie des lits, disent-ils aussi, est remplie de militaires et il y a moins de malades de la ville dans les chambres des hommes qu’autrefois. Et d’épingler au passage les médecins, qui pourtant les soutiennent dans leurs revendications, en les accusant d’ordonner des remèdes beaucoup plus chers pour les soldats qu’ils ne le feroient pour des concitoyens, ce que l’hôpital ne peut lui en savoir mauvais gré puisque le roy paye chaque jour pour le militaire. Le profit est à l’entier pour l’hôpital, poursuivent-ils, et la perte pour l’apothicaire desservant.

Il n’est pas juste, disent-ils aussi, que l’hôpital garnisse la plupart des lits de militaires parce qu’il lui en revient bénéfice et qu’il fasse fournir les remèdes au même prix que s’il l’avait seulement des pauvres, car il est notoire que les soldats exigent un traitement tout particulier. La consommation qu’ils font en remèdes est dominante; on leur accorde tout ce qu’ils veulent et comme ils n’on assez de discipline, ni officier, ni sergent, ils exigent très souvent des remèdes qu’ils s’amusent à jeter dehorsArchives municipales de Fougères – 1 B10-13 (archives hospitalières).

Les apothicaires qui semblent avoir bien des griefs contre l’hôpital, dénoncent encore le fait que celui-ci exige une rétribution de 6 livres par mois des habitants de la ville les plus aisés et notamment lorsque ceux-ci y font admettre leurs domestiques malades. Bien que cette contribution, selon le propre aveu des apothicaires, ne soit pas générale, il semble que le plus grand nombre des personnes concernées s’y soumet par esprit de charité.

Ils dénoncent aussi une autre pratique: celui de mettre deux malades dans chaque lit. Il existe, disent-ils, des paillasses et dix lits à plat le plancher qui servent aux convalescents et se glissent le jour sous les autres lits; usage mis en pratique, reconnaissent-ils, qu’en cas de surcharge, mais il est toujours au détriment du fournisseur duquel on exige des remèdes.

La situation a bien changé depuis 1762, époque où les malades admis à l’hôpital étaient souvent des infirmes qui déjà consommaient en remèdes bien au-delà de la rétribution accordée, mais dont la plupart avaient cependant autant besoin d’aliments que de remèdes.

En 1780, ce sont des malades et non des infirmes qui occupent l’Hôpital... et aussi des militaires. On constate que les malades à peine guéris sont congédiés pour faire place à de nouveaux malades qui exigent le traitement le plus cher. La fourniture des remèdes s’en trouve donc multipliée, au point que le sieur Guillaume Olivier Le Noir, l’un des apothicaires, demeurant sur la place du Brûlis, fut dans le cas de justifier par les ordonnances des médecins et chirurgiens de l’hôpital qu’il avait déboursé près de 1000 livres de remèdes dans son année en plus des 200 livres allouées. Lorsque Le Noir présenta sa note au Bureau de l’administration de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas, on lui répondit que les revenus de l’hôpital ne permettent pas d’ajouter au salaire convenu pour l’apothicaire desservant.

La requête au Parlement en profite pour demander le remboursement au sieur Le Noir de la somme qu’il a déboursée et porte de 2 sols à 2 sols 6 deniers la somme demandée pour les soldats en sus de l’abonnement ordinaire.

Bref, la situation des apothicaires semble devenir intenable. Ils proposent plusieurs solutions à l’hôpital notamment de fournir les remèdes au mémoire, c’est à dire de se faire rembourser des sommes dépensées pour les drogues et remèdes fournis sur la présentation de leurs factures. Ils optent aussi pour l’établissement d’une pharmacie à l’Hôtel-Dieu qui pourrait être administrée, disent-ils, par les religieuses et sont prêts à indiquer aux Dames religieuses qui soignent les pauvres de cet hôpital, quelles sont les drogues qu’il faut acheter, le moyen de se les procurer au meilleur prix et à participer à leur formation en instruisant de plus ample les Dames religieuses déjà instruites par leur pharmacie particulière.

Mettant ainsi beaucoup de bonne volonté dans leur démarche, les apothicaires concluent en disant qu’ils ne peuvent faire des propositions plus modérées, ni plus capables de prouver que leur intention est de se tirer de leur perte et non de se bénéficier aux dépens de l’hôpital. S’il est possible, poursuivent-ils, de prendre un autre parti qui soit à l’avantage de l’hôpital sans écraser les suppliants, ils seront charmés de le connaître d’avance; ils l’adopteront de bon cœur. Comme tout ce qu’ils avancent est l’expression de la vérité, la Cour se convaincra de leurs dires lorsqu’elle aura pris connaissance des pièces justificatives jointes à la requête.

Le procureur des Bouillons semble bien embarrassé. Le 11 mars 1780, il demande que la requête soit présentée au procureur général du roi qui, après avoir entendu le rapport de M. Picquet de Montreux, conseiller en la Grande Chambre, ordonne tout simplement que la requête des apothicaires soit communiquée au Bureau de l’administration de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas afin que celui-ci puisse y apporter ses contradictions dans un délai de quinze jours.

Ce fut Jean Fouilleul, huissier aux deniers en la sénéchaussée royale de Fougères, qui, le 20 mars 1780, se présenta à l’Hôtel-Dieu pour remettre son ordre aux administrateurs qui n’y étaient pas et ce fut l’économe, Dame Françoise Chaussière de Longuet qui réceptionna l’ordonnance. L’huissier déposa une autre copie chez Maître René Joseph Vigrou, procureur de la sénéchaussée royale de Fougères et greffier de la communauté du Bureau d’administration de l’Hôtel-Dieu.

L’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas qui avait été sérieusement mis en cause par les apothicaires de la ville, réagit très vigoureusement et commence à échafauder des éléments de réponses en reprenant point par point les allégations des apothicaires, puis estime qu’il serait peut-être plus sage de demander l’avis de leurs avocats avant d’apporter une réponse définitive au procureur général.

Le texte provisoire de la réponse est conservéArchives municipales de Fougères - 1 B-10-14 (archives hospitalières). On sent assez bien au travers de ce texte que les administrateurs, un peu vexés et piqués au vif, n’ont pas l’intention de s’en laisser conter, leurs premières réponses sont cinglantes:

Ce n’est certainement pas à un généreux dévouement pour le service de l’indigence que l’on doit l’érection en communauté des apothicaires... mais à l’envie de se procurer à eux seuls, l’émolument du débit toujours lucratif et qu’ils partagent avec les droguistes, des matières qui entrent dans la composition des médicaments et remèdes...

Les apothicaires, dans leur requête au Parlement, avaient écrit que la concurrence dans un état est toujours nuisible à ceux qui l’exercent. À défaut de règles en effet, dans ce commerce, le champ était libre à toutes les dérives. C’est d’ailleurs ce que ne manque pas de souligner l’hôpital:
Le privilège exclusif qu’ils ont de les vendre (les remèdes) et d’être les arbitres de leur valeur, est le prix de l’obligation à laquelle ils se sont engagés; ils lui sont aussi redevables de l’affranchissement des droits boursauxDroits sur certaines marchandises dont étaient exempts les médicaments. qui excéderaient la fourniture des remèdes...

Si la population de la ville a augmenté, il ne faut pas oublier que les secours pour les pauvres et les malades se sont aussi multipliés. Et les administrateurs de citer ces dames charitables des paroisses de la ville qui pourvoient aux secours pour le plus grand nombre par des aumônes que tous les trois mois elles perçoivent et dont elles font la distribution proportionnelle d’après une liste exacte qu’elles font en vérification de l’état de chacun d’eux

Dans une paroisse, sans doute Saint-Léonard, il existe une bourse élémosinaire de près de 500 livres de revenu qui procure les médicaments et la nourriture aux pauvres qui ne trouvent pas de place à l’hôpital. La paroisse Saint-Pierre de Rillé reçoit la charitable influence d’une abbaye qui la gouverne et la Maison de la Providence, créée par Pauline de Bélinaye en 1776, procure autant l’éducation gratuite à un certain nombre de filles pauvres qu’un bureau de secours à domicile pour les malades indigents de la villeVicomte Le Bouteiller – Notes sur l’histoire de la ville et du pays de Fougères – Tome IV – page 346.

Comme de nos jours, le nombre de lits dans les hôpitaux est déterminant pour la politique menée en matière de santé. Leur nombre est toujours soumis à discutions, souvent à litiges. Lorsque l’on parle de fermeture de lits dans un hôpital, ne voit-on pas de nos jours encore, s’élever manifestations et contestations. En 1780, les apothicaires et l’hôpital s’affrontent sur le nombre de lits disponibles à l’hôpital.

Lorsque les apothicaires annoncent le chiffre de 89, l’Hôtel-Dieu précise que ceux ci exagèrent ceux qui sont réels, car ils cumulent ceux des malades et ceux des enfants – et nous verrons qu’il y a beaucoup d’enfants à l’hôpital, de ces pauvres enfants abandonnés et que l’on désigne par le nom d’enfants trouvés.

Alors pour précisément contredire les apothicaires, les administrateurs de l’hôpital font leur compte: à ce nombre de lits pour les malades, il faut déduire trois lits pour les domestiques infirmiers qui dorment dans les mêmes salles que les malades; un lit pour la surveillante des enfants; deux lits pour les domestiques servant à la cuisine. La salle des hommes comporte 16 lits, celle des femmes 14 et la nouvelle salle 10; ce qui ne donne que 40 lits ordinaires.

Il n’est pas juste, soulignent les administrateurs, d’y comprendre ceux des enfants dont les incommodités ou les maladies n’entre point en parallèle avec celles des personnes formées ou adolescentes qui se succèdent presque sans interruptionArchives municipales de Fougères – 1 B 10-14 (archives hospitalières), car le concordat passé en 1762 entre le Bureau et les apothicaires ne fait pas état de la salle des enfants trouvés.

L’hôpital reconnaît qu’en période d’épidémies et du plus ou moins de presse, on a dressé des lits en mettant des paillasses et des matelas par terre, mais il n’y a pas et il n’y a jamais eu de lits qui étaient destinés aux convalescents et qu’on glissait le jour sous les autres. Cette pratique serait d’ailleurs matériellement impossible par rapport au peu d’élévation de ces lits que des planchers et au peu de largeur de la plupart d’eux (sic). Le Bureau précise également que les officiers de guerre s’opposent à la multiplication des lits et pour peu que les habitants soient attaqués dans des épidémies contagieuses, ils ne souffrent pas aussi qu’ils soient mêlés avec leurs soldats.

Les administrateurs jugent raisonnable l’indemnité de 2 sols par soldat réclamée par les apothicaires mais trouvent absurde de la porter à 2 sols 6 deniers. Ils ne comprennent pas que les apothicaires voient une différence entre les militaires et les bourgeois puisqu’ils fournissent les remèdes à tous les malades. Ils s’insurgent vigoureusement sur l’allégation qui veut que les médecins ordonnent des remèdes plus chers aux soldats. Eh quoi! écrivent-ils, les pauvres de la ville ne sont-ils pas des hommes aussi précieux à l’État que les militaires qu’ils lui fournissent? – Les maladies vénériennes sont pour les uns et pour les autres un titre d’exclusion; il n’y a donc et il ne peut donc y avoir de différence dans les traitements. Ce qui nous apprend au passage qu’on ne traitait pas ce genre de maladie à l’hôpital.

Et de poursuivre: Cette observation des apothicaires, il faut l’avouer, ne fait ni leur éloge ni celui des médecins; toutefois s’ils ont véritablement lieu de se plaindre du médecin traitant, qu’ils fassent établir un codexRecueil officiel de médicaments autorisés dont ils ne puissent s’écarter ou qu’ils inventent un pancheste digne de l’approbation de la faculté et que le ministre adopte

Puis revenant sur l’attitude des soldats qui jettent leurs médicaments, ils précisent: S’il est vrai, comme les apothicaires l’attestent, que des soldats se sont amusés à jeter leurs remèdes dehors, il faut qu’ils se soient attirés ces injurieux traitements pour ne s’être pas conformés aux ordonnances du médecin quelque loochMédicament sirupeux composé essentiellement d’une émulsion et d’un mucilage, sorte de substance végétale extraite de lichen, de graines de lin et de bourrache, composée de pectine ,souvent employée comme laxatif. mal assaisonné, aura eu cette malheureuse destinée, et il n’en aura pas fallu davantage pour exciter la bile de ces malades incivils.

Quant à la présence des troupes à Fougères, les administrateurs de l’Hôtel-Dieu disent qu’effectivement l’entrepôt de troupes date bien de 1769, mais qu’il y avait des soldats en garnison bien avant l’incendie de 1751 et que, tout au plus, 5 à 6 régiments ont séjourné en ville et autant de détachements.

Les militaires ne sont pas toujours une surcharge pour les apothicaires: on cite le cas de deux matelots que l’on a couché dans le même lit car leur maladie est la fatigue occasionnée par la marche que dissipent le repos et la bonne nourriture. Le Bureau convient aussi que quelquefois, il arrive que pendant la nuit, on apporte à l’hôpital un soldat que son camarade vient de blesser, alors celui des mieux convalescents se lève pour lui céder sa place, ou il partage le lit d’un autre, ou il passe le reste de la nuit près du feu, mais le matin, il est congédié, ou un autre, s’il en est qui ait moins besoin que lui du secours de l’hôpital. Quelquefois, dit-on aussi, les militaires n’ont d’autres maladie ou incommodité que celle qu’ils affectent pour se retirer des cachots où leurs officiers les ont condamnés.

Nous apprenons également que, si les apothicaires réclament 2 Sols 6 deniers au lieu de 2 sols pour les militaires qui entrent à l’hôpital, c’est que leur collègue qui fournit les médicaments aux prisonniers anglais détenus au château, perçoit déjà cette somme alors que le médecin qui soigne les Anglais intervient aussi à l’hôpital. L’apothicaire en question, a fait, dit-on des profits considérables.

Les administrateurs de l’Hôtel-Dieu justifient la recette des 14 sols versés par le roi par soldat – somme qui ne couvre pas la dépense – en détaillant le prix des denrées nécessaires à l’alimentation quotidienne des militaires; ce qui nous donne aussi une idée du coût de la vie à cette époque. En effet, la viande coûte 6 sols la livre et le pain 2 sols 8 deniers.

Il faut, disent les administrateurs, 1 livre ½ de viande et 1 livre ½ de pain par jour et par soldat pour sa nourriture et son bouillon, ce qui fait déjà 13 sols. À cela s’ajoutent le cidre, le vin, l’eau-de-vie - ce qu’on ne trouve plus guère dans nos hôpitaux d’aujourd’hui - sans compter le bois, la chauderieOn chauffait alors les lits avec des bassinoires emplies de braises. et l’entretien des matelas et paillasses qu’il faut renouveler souvent.

Si les apothicaires obtenaient gain de cause, pense t-on alors, pourquoi le chirurgien et le médecin excités par leur succès ne demanderaient-ils pas la même gratification? Que resterait-il à l’hôpital? Et comment pourvoira t-on aux besoins des femmes malades et des enfants trouvés, très nombreux depuis le séjour des troupes à Fougères? Qui paiera les honoraires du prêtre gardien, les gages des trois domestiques infirmiers, de la surveillante des enfants et des deux autres domestiques?

L’hôpital est surchargé de militaires, c’est vrai, ce qui exclut d’autant les Fougerais des soins dispensés et chagrine les administrateurs. Ils ont pourtant sollicité le ministre afin que soit établi à Fougères un hôpital militaire, mais leur supplique n’a point été entendue.

Plus heureux qu’eux, l’apothicaire Le Noir a obtenu du Gouvernement une gratification de 250 livres et le chirurgien Dubourg-Connault a fait passer une requête appuyée par l’intendant en vue d’obtenir 900 livres en récompense de son service au cours de l’année 1779, à moins, dit-on au Bureau de l’hôpital, que son mémoire, épuré au creuset, ait beaucoup perdu de son poids.

Les administrateurs de l’Hôtel-Dieu en ressentent une véritable injustice et sont très amers.

Le fardeau des apothicaires? Mais qui porte le fardeau, s’insurge t-on, sinon le public qui acquitte le marchand de ses charges et dépenses, capitation, industrie, port de marchandises, loyer de maison, tout est payé par l’acheteur. Et les administrateurs d’ironiser: les apothicaires n’ont jamais passé pour maladroits en fait de mémoire. De là à les accuser de fausses factures (déjà!), il n’y a qu’un pas.

Quant à la proposition faite par les apothicaires d’établir une pharmacie à l’hôpital, l’établissement n’est pas en état financier de la former car il lui faudrait payer les gages d’un manipulateur puisque la profession d’apothicaire, de par les statuts de tous les apothicaires du royaume, est interdite aux femmes. Les religieuses seraient donc en infraction avec la loi qui veut aussi que les veuves d’apothicaires sont tenues d’employer un garçon breveté d’un maître agréé par la communauté sous les yeux de laquelle il a dessein de travailler, si elles veulent continuer à tenir boutique.

Ce sont donc ces réflexions qui furent soumises à l’examen des avocats rennais du Bureau des administrateurs de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas, en l’occurrence les sieurs Boylève et Le Chapelier.

Ceux-ci, dans leur délibération du 12 avril 1780Archives municipales de Fougères - 1 B10-15 (archives hospitalières), se disent embarrassés car en cette matière et en beaucoup d’autres, l’exacte équité est toujours de grande considération et que l’entretien de l’hôpital et les besoins des pauvres malades quelques favorables qu’ils soient, ne doivent pas toutefois servir à ruiner les particuliers.

Ils préconisent d’argumenter contre les apothicaires en disant seulement qu’ils n’ont point de payement à prétendre pour leurs soins personnels, mais non pas qu’ils soient obligés de fournir, en quantité et valeur, beaucoup plus de remèdes que ne comporte la somme fixe qui leur est payée par an, s’il est évident qu’ils n’y retrouvent pas leurs simples déboursés.

Il n’est pas juste, selon les avocats, de reconsidérer tous les 15 ou 20 ans la somme attribuée car il y a des années onéreuses pour les apothicaires mais aussi des années où ils ne dépensent pas ce qu’on leur paye assidûment.

Les avocats reconnaissent que les demandes des apothicaires sont excessives mais, disent-ils, si la vérité des faits dont ils offrent la preuve peut être constatée, elles ne sont pas entièrement injustes et de conclure: On ne les forcera pas de continuer à fournir tous les remèdes nécessaires sans espérance d’être ensuite remplis de leurs déboursés. Il faut donc prendre un tempérament inspiré de l’équité, le moins désavantageux pour l’hôpital et aussi le moins ruineux pour les fournisseurs. On n’en voit pas d’autres en présupposant la perte soutenue par les apothicaires que de consentir l’augmentation de 50 livres par an et les 2 sols par soldat, autant qui y en aura à médicamenter au-delà de ceux qui occuperont les 36 lits.

Cette réponse du berger à la bergère ne satisfit pas tout à fait les administrateurs de l’hôpital qui étaient bien décidés à ne pas céder. Comme ils l’avaient été contraints par la décision du Parlement, ils rédigèrent leur réponse officielle le 22 mai 1780Archives municipales de Fougères - 1 B10-17 (archives hospitalières), dans laquelle ils reprirent en grande partie le projet de réponse initial soumis aux avocats, mais en utilisant parfois des termes beaucoup plus incisifs.

Selon eux, les pertes des apothicaires sont imaginaires et poussées à l’excès et n’existent que dans l’idée qu’on s’en forme. Quant à l’Hôtel-Dieu c’est la cause des pauvres qui a animé le zèle des administrateurs dans le refus qu’ils ont d’admettre une demande qui ne leur paroit pas fondée et dont les suites seroient dangereuses.

Ils persistent à dire que les apothicaires ont exagéré leurs factures pour donner quelques couleurs à leurs plaintes et dénoncent le fait que les apothicaires seuls apprécient et fixent le prix des remèdes. Ces apothicaires qui donnent des noms baroques à chaque plante afin de faire perdre l’idée qu’elles poussent sur nos coteaux, et ils ajoutent qu’à Fougères, l’on dit communément en parlant d’un mémoire qui paraît excessif que c’est un mémoire d’apothicaire. D’ailleurs, disent-ils aussi, le fait est notoire, il n’en est point (d’apothicaire) qui ayant du débit ne soit au plus de l’aisance et ce sont les pauvres de l’hôpital, cette portion chérie, qui dans la cruelle indigence, en sont souvent la triste victime...Archives municipales de Fougères – 1 B10-17 (archives hospitalières) Ces apothicaires qui ont su tirer avantage de la guerre avec l’Angleterre et des prisonniers anglais amenés à Fougères ce qui leur a été bien favorable par les profits qu’ils ont faits.

Par ailleurs s’il est vrai qu’on reçoit toujours des enfants exposésSe disait des enfants trouvés ou abandonnés à l’hôpital et que leur nombre a augmenté depuis que les troupes stationnent à Fougères, ces enfants ne sont presque jamais malades, n’ont besoin que de lait et n’attendent aucun secours de la pharmacie

Rappelant les sommes touchées du Gouvernement par le chirurgien et l’un des apothicaires, le Bureau les en félicite avec un vrai plaisir mais aimerait quand même qu’ils se bornent à ces gratifications assez considérables et qu’ils ne viennent pas enlever aux pauvres leur subsistance.

Les plaintes indiscrètes des apothicaires qui affirment à tort que l’hôpital perçoit une rétribution de 6 livres par mois lorsque des personnes aisées de la ville y font entrer leurs domestiques attaqués de maladie contagieuse dont ils craignent le venin pour eux et pour leurs enfants, ne sont en réalité, selon les administrateurs de l’Hôtel-Dieu, que des aumônes, données de leur propre mouvement et qui n’excèdent pas 30 livres par an.

En conséquence, le Bureau sollicite le rejet par la Cour de la demande des apothicaires et qu’ils soient, sinon déboutés, mais condamnés aux dépens.

Que fit le Parlement après avoir reçu la réponse de l’Hôtel-Dieu? Toutes les archives ne nous sont pas parvenues. Cependant, on peut penser qu’une décision fut prise car dans un texte ultérieur, il est dit qu’une somme de 300 livres fut accordée aux apothicaires par le ministère public présidé par Mr de la Chalotais promesse illusoire qui ne fut pas suivie d’exécutionArchives municipales de Fougères – 1 B10-19 (archives hospitalières). Ce qui signifie donc que l’Hôtel-Dieu refusa d’exécuter ce jugement.

Pendant environ un an, les protagonistes durent encore intervenir auprès du Parlement pour défendre leurs requêtes, mais les archives font défaut. Cependant, tout laisse à penser que la Cour finalement renvoya sa copie aux apothicaires avec la réponse des administrateurs de l’Hôtel-Dieu, car une nouvelle supplique de ceux-ci est adressée le 18 avril 1781Archives municipales de Fougères – 1 B10-19 (archives hospitalières).

Selon les termes employés dans cette nouvelle supplique, il ne fait aucun doute que les apothicaires ont eu connaissance des réponses faites par le Bureau de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas, notamment lorsqu’ils disent: Ce n’est pas en répondant du ridicule et des sarcasmes qu’un corps politique tel qu’un bureau d’administration doit répondre d’une demande à lui formée; et de poursuivre: Ce genre de défense est seul capable de faire suspecter le zèle qu’il réclame comme le mobile de son opposition; le vrai zèle ne connaît ni plaisanterie ni amertume, la lumière qui le dirige lui fait peser et discuter les raisons et la force de se renfermer dans les bornes d’une légitime défense.

Dans cette supplique, les apothicaires défendent âprement et plus que jamais leurs revendications premières et, après l’insulte reçue comme un soufflet, leur propre honneur et celui de leur profession mis à mal par le Bureau de l’Hôtel-Dieu, attaquant particulièrement – c’est de bonne guerre – certains membres de ce Bureau.

Si l’hôpital se targue de charité, n’a t-on pas vu un apothicaire fournir gratuitement, sur simple concordat verbal avec l’hôtel de ville et pendant 21 ans, les remèdes aux pauvres de l’hôpital général Saint-Louis, moyennant seulement la fourniture aux casernes, ce qui lui a été volontiers reconnu.

Quant au Bureau d’administration de Saint-Nicolas – qui est le même que celui qui compose l’hôtel de ville – il sait bien entretenir les exemptions pour certains de ses membres, aussi est-il très mal placé pour avancer à la Cour que la communauté des apothicaires est affranchie de toutes les taxes royales qui ne dépendent pas de lui. Et dans leur colère, les apothicaires de poursuivre: Lorsqu’il plaît à Sa Majesté d’imposer des taxes sur les différents corps et métiers, la communauté des apothicaires y participe et les acquitte avec plus d’exactitude qu’on en met à lui délivrer dans le temps des maladies épidémiques, des gratifications toujours inférieures à la quantité de remèdes préparés qu’elles exigent, gratifications dont on cherche néanmoins à faire un pompeux étalage.

Puis s’en prenant au gardien de l’hôpital, ils dénoncent une pratique qui tendrait, selon eux, à privilégier l’entrée des malades aisés à l’hôpital. C’est avec la même peine que les suppliants se trouvent forcés de dire, écrivent-ils, et tout Fougères sera témoin, des soins que le gardien de l’Hôtel-Dieu s’est donné pour empêcher que les malades militaires eussent passé à l’hôpital établi pour la Marine et l’interposition du crédit des personnes en place pour conserver à l’Hôtel-Dieu des malades seuls capables de lui procurer l’aisance dont il jouit et que ce même gardien a publiquement reconnu.

À propos de l’augmentation de la population à Fougères, les apothicaires apportent cette précision: la situation de cette ville placée à l’extrémité de la province et sur les confins de celles de Normandie et du Maine, attirent l’émigration des habitants des deux provinces soumises au selProvinces soumises à l’impôt sur le sel: la gabelle, à la taille et qui croient alléger le fardeau de leur imposition en se réfugiant dans une province exempte de ces contributions. On est en même temps forcé de convenir, poursuivent-ils, que ce ne sont pas des citoyens riches, ni même aisés, qui viennent habiter Fougères Donc, de pauvres gens, le plus souvent, susceptibles de devenir les usagers de l’hôpital.

Puis ils reviennent sur le détail du coût des militaires (le Bureau de l’hôpital avait, on s’en souvient, détaillé le prix des denrées fournies aux soldats pour leur nourriture et leur entretien). C’est faire illusion, disent les apothicaires, que d’évaluer à 13 sols par jour la dépense qu’on fait pour chaque militaire... les soldats attaqués de maladies aiguës n’ont point besoin de comestibles, les remèdes font toujours partie de leur subsistance.... Ces malades semblent être mis à la diète, car, on dit plus loin, que l’emploi, chaque jour, pour chacun des malades, d’1 livre ½ de viande, devient l’aliment des convalescents. En réalité, selon les apothicaires, avec l’accueil des militaires, l’Hôtel-Dieu fait un bénéfice considérable.

Si les apothicaires ont pu écrire qu’un militaire coûtait plus cher qu’un citoyen ordinaire, ce n’était pas pour faire une différence de qualité entre les individus, mais parce que si une simple ordonnance du médecin suffisait pour le citoyen, l’ordonnance délivrée au militaire était aussi transmise et vérifiée par le chirurgien major du régiment et que celui-ci, bien souvent, exigeait de l’apothicaire des fournitures supplémentaires.

Les apothicaires, en professionnels qu’ils sont, ne comprennent pas comment le Bureau de l’hôpital peut penser, en ce qui concerne les enfants, que seul le lait peut les écarter des maladies. Malheureusement, écrivent-ils, pour l’apothicaire et le médecin traitant et l’expérience ne sont point d’accord avec le Bureau de l’Hôtel-Dieu; les ordonnances qu’il est obligé de remplir justifient le contraire et les suppliants s’y réfèrent et en offrent la représentation.

Les administrateurs de l’Hôtel-Dieu ont reproché aux apothicaires leur impéritéManque d’aptitude, incapacité à exercer sa profession et ont remis en cause l’emploi de la Boule de MarsLes mars sont des grains semés en mars (avoine, orge, millet...) la boule de mars était sans doute un remède confectionné avec ces céréales. comme remède efficace pour guérir les dysenteries. En aucun cas, s’insurgent les apothicaires, on a vu ni les médecins, ni les malades, ni les dames hospitalières se plaindre de la mauvaise préparation des remèdes et tous ceux qui approchassent des malades ont été témoins du sort qu’ils éprouvoient des remèdes

Il ne peut avoir, disent-ils, que le Bureau qui puisse rester persuadé que les drogues ne consistent que dans des plantes qui croissent sur les coteaux... les remèdes ne sont ni simples, ni composés de terre... une grande partie des drogues vient de l’étranger et la liberté sur la mer étant interceptée (en raison de la guerre), les fournisseurs et le fret ont porté leurs prix au plus haut.

Pour les administrateurs de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas, les aumônes sont minimes puisqu’elles ne dépasseraient pas les 30 livres par an. Cela est contredit par les apothicaires qui disent que, depuis 1680, les fondations se sont multipliées et que le revenu des biens de l’hôpital a plus que triplé. C’est une obstination dont il est impossible de trouver d’exemple disent-ils et demandent à la Cour, si elle veut s’en convaincre, d’exiger la présentation des livres de comptes de l’hôpital pour les années 1680, 1762 et 1780. La preuve pourra en être ainsi faite. Quant à leurs mémoires et factures, comme ils n’ont rien à cacher, ils proposent qu’ils soient soumis à l’examen de leurs collègues de Rennes.

Enfin pour prouver à l’Hôtel-Dieu leur bonne fois et la pureté de leur zèle, les apothicaires proposent d’avancer la somme de 1000 livres – remboursable en cinq ans – pour l’établissement d’une pharmacie établissement si pieux et si avantageux.

Les archives n’ont pas conservé la réponse des administrateurs de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas, mais seulement des notes, parfois contradictoires dans laquelle il est difficile de se retrouver car elles ne sont pas datées, prises lors des délibérations du Bureau qui portent sur les objections des deux partiesArchives municipales de Fougères – 1 B10-21 (archives hospitalières).

À propos de l’établissement de la pharmacie, les administrateurs soupçonnent les apothicaires de vouloir engager la Cour à ordonner son établissement comme le moyen unique de terminer une infinité de différends que l’avenir leur fait envisager. Curieusement, et c’est en contradiction avec ce qu’il a soutenu jusqu’à présent, le Bureau reconnaît que les pertes antérieures des apothicaires constamment trop senties et la médiocrité de leurs facultés ne leur permettent aucunement d’accepter une pareille voie conciliatoire. Ce qui semblerait vouloir dire que les apothicaires ne sont pas aussi riches qu’on veut bien le dire et que la prise en charge d’une pharmacie par l’hôpital ne serait pas sans risques financiers si l’aide des apothicaires proposée venait à faire défaut.

Dans ces notes nous apprenons également que l’évêque de Rennes est intervenu comme médiateur et que les apothicaires n’ayant pas voulu accepter en leur entier les clauses conciliatoires, ils ne s’en tiennent qu’à 1 sol 6 deniers par jour pour chaque soldat conformément à leur première demande

Les administrateurs constatent que les apothicaires ne consentiront jamais à s’obliger de fournir indéfiniment, comme le voudrait le Bureau, les remèdes nécessaires aux pauvres citoyens malades, une telle exigence de fourniture étant captieusequi tend sous des apparences de vérité à induire en erreur. Pourtant le Bureau est déterminé à ne vouloir accorder pour indemnité que 200 livres à chacun des trois derniers fournisseurs perdants, mais les apothicaires, vu le trop modique de cette offre et la dureté de cette condition se retirèrent, mais avant de le faire, dit-on, pour prouver de plus en plus leurs sentiments pacifiques, ils se bornèrent à demander 300 livres pour chacun des trois derniers perdants à peu qu’ils se trouvassent moins lésés et à ce moyen (le Bureau) voulait bien payer leur frais

Le Bureau d’administration rejeta cette clause et on dit qu’il s’est bien donné de garde d’en faire la moindre mention afin d’inculper davantage lesdits apothicaires.

Le problème semble insoluble. Des notes émanant des apothicaires disent que le Bureau continue de payer chaque année une somme de 200 livres pour 37 lits seulement, qu’il est convenu qu’il sera payé une rétribution supplémentaire qui sera arrêtée entre les parties si l’hôpital veut dépasser le seuil de 37 lits alors fixé..

Mais la communauté des apothicaires maintient toujours ses prétentions, à savoir le paiement de 1 sol 6 deniers pour chaque militaire soit dragon, cavalier, fantassin ou matelot qui entrera à l’hôpital, qu’il prenne ou ne prenne pas de médicaments. Ils réclament que soit payée une somme de 300 livres à chacun des apothicaires qui ont assuré le service pendant les trois dernières années à laquelle ils ont consenti de réduire la somme de 800 livres qui leur était due à chacun pour la seule fourniture des remèdes au-delà de la somme de 200 livres qu’ils perçoivent à l’ordinaire. Enfin, ils veulent que le Bureau de l’Hôtel-Dieu règle les frais dus à la Cour.

Qu’en advint-il? À défaut d’archives, nul ne le sait vraiment. À croire une autre pièce d’archives en date du 27 mars 1782Archives municipales de Fougères – 1 B10-20 (archives hospitalières), soit deux ans après avoir commencé la procédure, on voit le Bureau de l’Hôtel-Dieu se pourvoir contre un arrêt de la Cour rendu le 13 mars dont on ne connaît pas la teneur.

On sait que ce genre de procès pouvait s’éterniser à l’époque et il semble bien que les relations tendues entre les apothicaires et l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de Fougères ne s’améliorèrent pas de si tôt. Quel parti nous reste t-il donc à prendre et quel remède a notre mal? disaient les apothicaires dans leurs requêtes. Point d’autre chose qu’une dose de patienceArchives municipales de Fougères – 1 B10-14 (archives hospitalières) répondaient les administrateurs de l’hôpital. Patience, Patience! Il fallut sans doute que les apothicaires de Fougères patientent longtemps encore avant d’obtenir satisfaction!

Si les archives actuelles (mais peut-être y en t-il d’autres à découvrir) ne nous permettent pas de connaître l’épilogue de l’affaire, cette petite étude qui en émane, bien qu’inachevée, nous apporte, malgré tout, un éclairage particulier sur le fonctionnement de l’hôpital et une image de notre ville de Fougères en cette fin du XVIIIème siècle.


Pièces d’archives
(Archives municipales de Fougères – Archives hospitalières)

1 B 10-12
Extrait du registre des délibérations de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de la Ville de Fougères où est écrit ce qui suit

Du 30 mars 1762

Les sieurs de Villecourte Blanchouin et Le Cocq de la Richerais, nommés avec Messieurs les commissaires nés nommés par la délibération du Bureau du 9 de ce mois, vous représente ,messieurs, les huit pièces qui furent mises en leurs mains lors de la dite délibération par les sieur Gesnouin tant pour lui que pour les sieurs Valet et Petel aussi apothicaires de cette ville pour examiner leurs prétentions dont ils demandes acte du dépôt qu’ils font des dites pièces aux mains du greffier de ce bureau et d’un projet de défense contre les prétentions des dits sieurs apothicaires dont les dits sieurs commissaires demandent qu’il en soit donné lecture pour sur ce délibéré par Messieurs du Bureau ainsi qu’il verra bon être.

Du 30 mars 1762

Le Bureau dûment assemblé et convoqué à la manière accoutumée a donné acte à Messieurs Blanchouin et Le Cocq du dépôt qu’ils ont fait des pièces dont est question et renvoie l’assemblée au premier bureau.

Du 18 mai 1762

Les maîtres apothicaires de cette ville ont l’honneur de remontrer à Messieurs les Directeurs et délibérants de cet Hôtel-Dieu que, de plus en plus, la fourniture des remèdes aux pauvres malades de ce même Hôtel-Dieu devient un fardeau pesant et onéreux, par conséquent ruineux pour l’apothicaire gérant, ce qui est facile à prouver par l’examen des nombreuses ordonnances du médecin que les remontrants présentent et dont l’estimation du simple déboursé va au-delà de 200 livres quoiqu’il n’y ait pas encore six mois de l’année de gestion accomplis, ce qui ne peut manquer d’occasionner une perte considérable au fournisseur actuel.

Que pour modérer à l’avenir à cette perte les dits remontrants attendent de la justice et de l’équité de Messieurs les délibérants, une augmentation raisonnable à la somme insuffisante de 150 livres qu’ils perçoivent ci-devant, le tout à l’amiable et néanmoins sous le bon plaisir de la Cour.

Remontrent aussi les dits apothicaires que par un usage des plus abusif, on prétend les assujettir à fournir l’Hôtel-Dieu de réglisse pour les tisanes, ce qui, le long de l’année, fait un surcroît de dépense au fournisseur duquel on exige aussi le miel pour les lavements.

Qu’on sait que la réglisse entre moins en les tisanes comme salubre que comme agréable, qu’on sait pareillement que les remontrants ne vendent point de miel et qu’il est bien disgrâcieux pour eux de se voir obliger d’aller acheter cette denrée chez le marchand lorsque l’hôpital en manque, achat qui ne doit regarder que l’économe; la seule fourniture des remèdes regarde l’apothicaire mais non pas tout ce qui est accessoire, autrement le fournisseur serait tenu à donner l’orge, les raisins, l’oxyeraBoisson faite d’un mélange de vinaigre et d’eau, connue et utilisée depuis l’antiquité grecque, le vinaigre sural, l’eau-de-vie... ce qui n’a jamais été d’usage.

Les mêmes remontrants se flattent enfin que Messieurs les délibérants prendront en considération particulière la fourniture faite aux militaires comme beaucoup plus dispendieuses que celle aux autres citoyens et que pour le soulagement des fournisseurs ils voudront bien obvier à ce que aucun malade, soit de la ville ou des environs qui pour une certaine somme qu’il donne à l’hôpital, s’y fait traiter soit pour blessure, fracture ou autre indisposition, puisse généralement frustrer ledit fournisseur d’un paiement proportionné à la somme qu’il aura donné et pris sur icelle, les vues premières n’ayant jamais été qu’en faveur de ceux qui sont généralement pauvres et qui, par défaut de tout moyen, ne peuvent se procurer aucun soulagement.

Signé sur le registre: Gesnouin, syndic, Lesage, Vallet, P. Petel, Le Noir, Cocherie

Réponse

Le Bureau dûment convoqué et assemblé à la manière accoutumée, ont été présent Messieurs le Sénéchal, procureur du Roy, recteur de Saint-Léonard, recteur de Saint-Sulpice, Villecourte-Blanchouin, de Meguérin Malhère, Boiton, gardien de cet hôpital, des Orières-Reste, de La Richerais, Bonnefontaine-Baston et le sieur Lecapelain, administrateur et Jean louvel faisant pour le greffier attendu son absence.

Délibérant sur les remontrances des maîtres apothicaires de cette ville et sur les pièces lui communiquées, est d’avis de leur accorder la somme de 200 livres par an au lieu de celle de 150 livres portées par l’article 16 du supplément des statuts de 1684, parce que les dits maîtres apothicaires seront tenus de faire toutes les fournitures nécessaires et accoutumées à cet hôpital et de fournir les médicaments tant internes qu’externes, parce qu’en cas de maladies épidémiques, aux fins de la réservation portée par ledit article 16, le Bureau se réserve de les récompenser ainsi qu’il avisera bon être et à la manière accoutumée. Et parce que aussi préalablement avant que la présente délibération sorte à son plein et entier effet, les dits maîtres apothicaires feront homologuer à la Cour la présente à leurs frais, sans que le Bureau en soit aucunement inquiété et sans que la présente puisse déroger à un autre arrêt de la Cour rendu en 1704, se départant les dits maîtres apothicaires de leur demande de 2 sols par jour par chaque soldat qui entre en cet hôpital en faveur dudit supplément, lesquels délivreront à leurs frais, une copie de l’arrêt qui homologuera la présente délibération, laquelle ils ont souscrit pour acceptation d’icelle,

Ainsi signé sur le registre: J.B. Gesnouin, Lesage, Vallet, P. Petel, Le Noir, Cocherie,
Vallée recteur, Pattard, Deffez, Bougret recteur de Saint-Léonard,
des Orières-Reste, Villecourte-Blanchouin, Boiton prêtre gardier,de Meguérin-Malhère,
Le Cocq de la Richerais, Baston, Le Capelain et Louvel pour le greffe.

1 B 10-13
Requête des apothicaires au Parlement

Du 6 mars 1780

À nos seigneurs du Parlement,

Supplient humblement les maîtres apothicaires de la ville de Fougères suites et diligences du sieur Guillaume Olivier Le Noir, nommé par la communauté,

Disant que les apothicaires de la ville de Fougères se sont généralement voués dans tous les termes au service de l’indigence dès l’érection de leur communauté en 1684; en formant leurs statuts, ils firent l’article 16 qui est tout à l’avantage des pauvres. Cette disposition les oblige de fournir tous les remèdes tant internes qu’externes à l’hôpital Saint-Nicolas pour une modique somme de 150 livres par an, en temps d’épidémie excepté. Mais l’exception des temps épidémiques portée à la fin de l’article annonce que les apothicaires, en s’imposant une charge sidérée au profit des pauvres, n’eurent de bien que de faire une charité honnête suivant leur état et leurs facultés, non d’exposer l’apothicaire desservant ruiné en fournitures; ou plutôt les premiers instituteurs de la communauté ne firent point un sacrifice réel en se bornant à une somme de 150 livres hors le cas des épidémies.

Cette somme pouvait être suffisante rapport au peu de lits qui étaient à l’hôpital rapport au petit nombre d’habitants (en 1684); d’ailleurs, le numéraire a beaucoup augmenté depuis 1684, les remèdes coûtent beaucoup plus cher, le marc d’argent ne valait en 1684 que 29 livres 6 sols, l’on dit qu’aujourd’hui il est à près de 50 livres. La modicité des 150 livres n’apparut bien sensible que depuis vingt ans.

La première réclamation des apothicaires est de 1761, dans les premiers jours de décembre qu’ils apparurent au Bureau de l’administration et firent une remontrance. Ils observèrent que l’ancien concordat avait déréglé ou qu’il avait dû l’être par les circonstances, mais que le nombre des habitants s’étant accru et celui des lits portés à 38 auxquels on se proposait d’en ajouter 8 et qu’il n’y avait plus de justice à l’époque de cette remontrance et (que) six grandes routes s’ouvraient en Bretagne.

Les apothicaires prirent occasion de là de se plaindre d’une surcharge qui devait arriver et qui est en effet arrivée. Ils exposèrent au Bureau que les grandes routes d’Ernée et de Saint-Hilaire finies, la ville allait devenir un passage de troupes et que la fourniture serait beaucoup plus considérable qu’au passé.

Dans cette remontrance les apothicaires citent l’ancien usage antérieur à 1684 de fournir à l’hôpital sur mémoires, et disent avoir les comptes du sieur Guyard père, fait que le Bureau n’osa contester. En conséquence, les apothicaires demandent une somme annuelle de 250 livres non comprise le temps des épidémies; 2 sols par soldat qui entre à l’hôpital extirée de la paye de 14 sols que l’hôpital reçoit du roy ou proposent au Bureau d’option de fournir un mémoire s’il l’aimait mieux.

Les sieurs Boutry Regnault et Le Nicolas du Saultay, médecins, appuyèrent la remontrance de leur attestation. Comme c’était une justice et comme il était presque impossible à l'apothicaire desservant de finir son année sans perdre plus de 200 livres, le Bureau ne voulut point écouter cette remontrance. D’abord, les administrateurs se contentèrent de renvoyer à l’ancien concordat mais les apothicaires se pourvurent à la Cour et qui ordonna la communication de la requête au Bureau et les administrateurs, après avoir élevé beaucoup de difficultés suivant l’usage des corps politiques, devinrent plus traitables. Il fut arrêté que l’économe payerait désormais 200 livres par an et les apothicaires se départirent de leur prétention de 2 sols par soldat entré à l’hôpital. Au surplus, les administrateurs se réservèrent de récompense l’apothicaire desservant lorsqu’il serait constitué en perte par les épidémies.

Depuis neuf à dix ans, il y a eu des maladies contagieuses à Fougères; ces maladies ont commencé ordinairement en juin et duré jusqu’en décembre. Les apothicaires ont demandé le dédommagement promis et le Bureau s’est contenté d’accorder une modique somme à l’un d’eux qui dans son année avait perdu plus de 600 livres de ses déboursés, sans parler de l’exécution des ordonnances et préparations de remèdes chirurgicaux qui occupent les trois quarts du temps de l’apothicaire fournisseur.

Ce n’est pas tout, la ville de Fougères est devenue un entrepôt pour la troupe; depuis 1769, il y a toujours une garnison de cavalerie et le château ayant été réparé pour les prisonniers de guerre, on a été obligé d’y faire venir un détachement d’infanterie – actuellement il y a une partie du Régiment de Royal Corse Infanterie et les dragons de Lorraine. On peut ajouter que la moitié des troupes qui ont entré en Bretagne depuis deux ans et qui en sont sorties a passé par Fougères. Il est impossible avec cette affluence de militaires qu’il n’ait pas surchargé l’hôpital et plus encore l’apothicaire desservant; de là, une augmentation de lits et une nouvelle chambre établie pour les malades militaires.

Si les réclamations des apothicaires rapport à l’augmentation des lits dans l’hôpital et des habitants dans la ville, avaient mérité l’attention de la Cour en 1761, à plus forte raison sont-ils fondés aujourd’hui à se plaindre. Les 38 lits dont les apothicaires se plaignirent en 1761 sont aujourd’hui portés à 89 compris les lits des enfants qui ont besoin comme les autres malades de remèdes.

Pour comble de ces charges, la majeure partie des lits est remplie de militaires; il y a bien moins de malades de la ville dans les chambres des hommes qu’autrefois. Le dessein de l’hôpital entrant dans les vues du Gouvernement, (les médecins) ordonnent des remèdes beaucoup plus chers pour les soldats qu’ils ne le feraient pour des concitoyens, et l’hôpital ne peut lui en savoir mauvais gré puisque le roy paye chaque jour pour le militaire. Cependant, le profit est à l’entier pour l’hôpital et la perte pour l’apothicaire desservant.

Un particulier peut à la faveur des pauvres et par principe d’humanité, donner une partie de son temps à l’hôpital mais il n’est pas obligé de se ruiner pour une maison publique, surtout il n’est pas juste que l’hôpital garnisse la plupart des lits des militaires parce qu’il lui en revient bénéfice et qu’il se fasse fournir les remèdes au même prix que s’il l’avait seulement des pauvres, car il est notoire que les soldats exigent un traitement tout particulier. La consommation qu’ils font en remèdes est dominante; on leur accorde tout ce qu’ils veulent et comme ils n’ont assez de discipline, ni officier, ni sergent, ils exigent très souvent des remèdes qu’ils s’amusent à jeter dehors.

La Cour trouvera l’injustice plus grande encore lorsqu’elle saura l’usage qui s’est introduit dans l’hôpital d’exiger de l’habitant une rétribution de 6 livres par mois quand un domestique tombe malade et qu’on le reçoit à l’hôpital. Cette contribution n’est pas générale il faut l’avouer, mais le plus grand nombre s’y soumet par esprit de charité à moins que celui auquel il en coûte le plus, l’apothicaire desservant participe à ces légers bénéfices.

Le nombre de lits augment comme les suppliants l’ont remarqué; le Bureau surcharge encore l’apothicaire desservant par une autre voie: l’on met depuis peu deux malades en chaque lit; l’on a des paillasses et dix lits à plat du plancher qui servent aux convalescents et se glissent le jour sous les autres lits. Cet usage n’est à la vérité mis en pratique qu’en cas de surcharge mais il est toujours au détriment du fournisseur duquel on exige des remèdes pour les nouveaux malades arrivés et des remèdes pour les convalescents, ce qui fournit une surcharge trop forte pour l’apothicaire.

En 1761, lorsque la communauté présenta requête à la Cour, les lits étaient garnis d’infirmes qui, à la vérité, consommaient en remèdes bien au-delà de la rétribution accordée à l’apothicaire fournisseur, mais dont la plupart avaient cependant autant besoin d’aliments que de remèdes; actuellement ce sont des malades. À ceux qui exigent le traitement le plus cher on voit journellement que des malades à peine guéris sont congédiés pour faire place à d’autres aussi malades qu’étaient les premiers, ce qui multiplie la fourniture des remèdes. Cela est au point que le sieur Le Noir dont l’année a fini le premier décembre dernier, est dans le cas de justifier par les ordonnances des médecins et chirurgiens de l’hôpital, qu’il est au-delà de 1000 livres déboursés, sans comprendre le temps et les soins de la préparation. Il offre de représenter les ordonnances chez les apothicaires de Rennes qu’il plaira à la Cour de nommer pour en fixer le montant.

Le 25 mai dernier, le sieur Le Noir a représenté toutes ces vérités au Bureau de l’administration; les membres ne purent s’empêcher de reconnaître la justice de ses représentations mais ils n’ont montré qu’une sensibilité stérile. Les revenus de l’hôpital, ont-il répondu, ne permettent pas d’ajouter au salaire convenu pour l’apothicaire desservant. Le Bureau promet de se pourvoir vers le ministre de la Guerre pour en obtenir un supplément, les 14 sols payés par le roy suffisent à peine pour la nourriture des soldats qui entrent à l’hôpital. Ces promesses, toutes vagues qu’elles sont, n’ont pas eu leur effet; le Bureau n’a présenté aucun placet au ministre de la Guerre, il en a été présenté un mais de la part des suppliants qui n’ont pas été honorés d’une réponse.

Enfin, le 17 novembre dernier, les suppliants sont revenus à la charge; ils sont présentés une remontrance nouvelle au Bureau et les administrateurs, après avoir eu lecture, n’ont point voulu consentir qu’elle fut écrite sur le registre. C’était le meilleur moyen de se dispenser d’y répondre. Il ne reste donc aux suppliants que la protection de la Cour; ils la supplient de prendre en considération la perte qu’ils font sur la fourniture des remèdes de l’hôpital; ils demandent que l’économe donne au sieur Le Noir qui a cessé de fournir au 1er décembre un supplément qui le dédommage au moins jusqu’à la concurrence de ses déboursés, si l’hôpital n’aime mieux lui payer en sus de l’abonnement fait en 1761, 2 sols 6 deniers par jour extraits de la paye de 14 sols que l’hôpital reçoit du roy par chaque soldat. Pour l’avenir , ils supplient la Cour d’ordonner que désormais les 2 sols 6 deniers par soldat seront payés en sus de l’abonnement de 200 livres.

Fait en 1762 sur les remontrances de 1761, si l’hôpital l’aime mieux, les suppliants se proposent de fournir les remèdes au mémoire; enfin, la concurrence dans un état est toujours nuisible à ceux qui l’exercent, si les membres du Bureau veulent former une pharmacie dans l’hôpital et en donner l’administration aux Dames religieuses qui soignent les pauvres de cet hôpital, les suppliants se proposent de concourir à former un établissement si utile en se donnant des soins pour l’achat des drogues en indiquant celles qu’il faut acheter, le moyen de se les procurer au meilleur prix et en instruisant de plus ample les Dames religieuses déjà instruites par leur pharmacie particulière.

Les suppliants ne peuvent faire des propositions plus modérées ni plus capables de prouver que leur intention est de se tirer de perte, non de se bénéficier aux dépens de l’hôpital. S’il est possible de prendre un autre parti qui soit à l’avantage de l’hôpital sans écraser les suppliants, ils seront charmés de le connaître d’avance, ils l’adopteront de bon cœur, tout ce qu’ils ont avancé est l’expression de la vérité; la Cour s’en convaincra à la lecture des pièces jointes à la présente requête.

Ce considéré, qu’il vous plaise Nos seigneurs, ci attachées deux pièces y ayant égard et à ce qui est ci-devant observé, condamner l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de la ville de Fougères de payer au sieur Le Noir, apothicaire desservant dudit hôpital, pendant l’année dernière, 802 livres pour dédommagement des fournitures qu’il à faites pendant l’année au-delà des 200 livres lui accordées par le concordat de 1762 homologué par arrêt de la Cour du 25 juin de la même année, ou en tout cas une somme qui le remplisse de tous ses déboursés suivant les mémoires qu’il fournira appuyés d’ordonnances des médecins et chirurgiens de l’hôpital, lesquels mémoires seront examinés par les apothicaires de Rennes qu’il plaira à la Cour de nommer et ce aux frais de l’hôpital, si mieux n’aiment les administrateurs dudit hôpital payer en sus du concordat de 1762 une somme de 2 sols 6 deniers par jour extiré de la paye de 14 sols que le roi donne pour chaque militaire qui ont entré à l’hôpital dans son année; en second lieu, statuant pour l’avenir, le même hôpital sera condamné de payer à l’apothicaire desservant, outre la somme de 200 livres fixée en 1762, pareille somme de 2 sols 6 deniers par jour pour chaque soldat qui entrera malade à l’hôpital dans son année de fourniture, faute à y ajouter suivant la cherté des remèdes à l’avenir et suivant les circonstances, si mieux n’aime ledit hôpital payer sur les mémoires qui lui seront fournis, ou ériger une pharmacie dans l’hôpital même sous les offres des suppliants de concourir à fournir à former cet établissement en se donnant des soins pour l’achat des drogues, en indiquant celles qu’il faut acheter, les moyens de se les procurer au meilleur prix et en perfectionnant l’instruction des Dames hospitalières déjà instruites par leur pharmacie; et en outre condamner ledit hôpital aux frais de la présente requête de l’arrêt qui interviendra et autres en résultant, sans autre droits et conclusions expressément réservés et ferez justice.

Signé des Bouillons, procureur pour expédition – est écrit soit montré au procureur général du roi
Fait en Parlement le 8 mars 1780 – Signé Picquet et dûment chiffré.

Vu la présente requête et pièces y attachées; je requiers pour le roi qu’avant faire droit, soit ordonné que la dite requête sera communiquée au Bureau de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de Fougères pour sur ses réponses ensemble sur mes conclusions être ordonné ce qu’il sera vu appartenir.

Fait au Parquet, le 10 mars 1780 – signé de Caradeuc, M. le procureur du roi.

Extrait des registres du Parlement

Vu par la Cour la requête des maîtres apothicaires de la ville de Fougères suites et diligences du sieur Guillaume Olivier Le Noir, nommé par la communauté de la dite pour ses causes y contenues, à ce qu’il plut à la Cour voir y attacher deux pièces y ayant égard et à l’exposé condamner l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de la ville de Fougères de payer au sieur Le Noir, apothicaire desservant dudit hôpital, pendant l’année dernière 800 livres pour dédommagement de la fourniture qu’il a faite pendant son année au-delà des 200 livres lui accordées par le concordat de 1762, homologué par arrêt de la Cour du 25 juin de la même année ou en tout cas une somme qui le remplisse de tous ses déboursés suivant les mémoires qu’il fournira appuyés d’ordonnances des médecins et chirurgiens de l’hôpital, lesquels mémoires seront examinés par les apothicaires de Rennes qu’il plaira à la Cour de nommer et ce aux frais de l’hôpital, si mieux n’aiment les administrateurs dudit hôpital payer en sus du concordat de 1762 une somme de 2 sols 6 deniers par jour extiré de la paye de 14 sols que le roi donne pour chaque militaire qui ont entré à l’hôpital dans son année; en second lieu, statuant pour l’avenir, le même hôpital sera condamné de payer à l’apothicaire desservant, outre la somme de 200 livres fixée en 1762, pareille somme de 2 sols 6 deniers par jour pour chaque soldat qui entrera malade à l’hôpital dans son année de fourniture, faute à y ajouter suivant la cherté des remèdes à l’avenir et suivant les circonstances, si mieux n’aime ledit hôpital payer sur les mémoires qui lui seront fournis, ou ériger une pharmacie dans l’hôpital même sous les offres des suppliants de concourir à fournir à former cet établissement en se donnant des soins pour l’achat des drogues, en indiquant celles qu’il faut acheter, les moyens de se les procurer au meilleur prix et en perfectionnant l’instruction des Dames hospitalières déjà instruites par leur pharmacie; et en outre condamner ledit hôpital aux frais de la présente requête de l’arrêt qui interviendra et autres en résultant, sans autre droits et conclusions expressément réservés.

La dite requête signée Des Bouillons, procureur, et répondu de soit montré au procureur général du roi par ordre de la Cour du 8 mars 1780. Conclusion du procureur général du roi de la dite requête du 10 du mois et aussi ouï le rapport de M. Picquet de Montreux, conseiller en Grande Chambre, et tout considéré,

La Cour ordonne avant faire droit que la dite requête sera communiquée au Bureau de la dite administration de l’hôpital de Fougères pour y répondre dans quinzaine et le tout rapporté à la Cour et communiqué au procureur général du roi, être suivie ses conclusions, statuée, ce qu’il fera, vu appartenir.

Fait en Parlement, à Rennes, le 11 mars 1780
Signé: L. Picquet et dûment passé aux droits du roi

La requête, conclusion de M. le Procureur général au pied d’icelle et l’arrêt intervenu sur le tout dont copie est ci assise à des autres par sa forme de teneur, ont été par moi soussigné Jean Fouilleul, huissier aux deniers en la sénéchaussée royale de Fougères, d’y reçu et y demeurant près la rue Pinterie, paroisse de Saint-Sulpice.

Vu la requête des maîtres apothicaires de la ville de Fougères suites et diligences du sieur Guillaume Olivier Le Noir, nommé par la communauté, demeurant audit Fougères, place du Brûlis, paroisse de Saint-Léonard, lesquels constituent à leur procureur au Parlement de Bretagne séant à Rennes, Maître Alexis Julien des Bouillons et en son étude sise rue Duguesclin, paroisse de Saint-Sauveur sont, de domicile signifiés et dûment apparus au Bureau d’administration de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de Fougères, suite et diligence de Dame Françoise Chaussière de Longuet, économe dudit hôpital, demeurant audit Fougères, dite paroisse de Saint-Léonard, à ce que le dit Bureau d’administration n’en ignore et ce pour lui valoir et servir de communication aux termes dudit arrêt, la sommant de faire ce qui lui incombe dans les délais y prescrits, à faute de quoi protestent les dits apothicaires se pourvoiront par les voies du droit ainsi et comme ils verront.

Fait savoir audit Bureau d’administration et lui ai obéré cette copie en parlant à Maître René Joseph Vignon, procureur de la sénéchaussée royale de Fougères et greffier de la communauté du Bureau d’administration de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de la ville de Fougères, trouvé en son étude située près la rue neuve de la ville de Fougères, paroisse de Saint-Léonard, avec sommation que je lui ait faite d’en donner avis aucun sieur dudit Bureau sous les peines portées par les règlements.

Ce jour 20ème mars 1780 après-midi – un mot rayé nul
Signé Fouilleul.

1 B 10-14
Réponse de l’administration de l’Hôtel-Dieu à la requête des apothicaires portée en Parlement

Mémoire par le Bureau d’administration de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de la ville de Fougères, en réponse à la requête donnée à Nos Seigneurs de Parlement le 11 mars 1780 par les maîtres apothicaires de la même ville, suite et diligence du sieur Guillaume Olivier Le Noir.

Ce n’est certainement pas à un généreux dévouement pour le service de l’indigence que l’on doit attribuer l’érection, en 1684, de la communauté des apothicaires de la ville de Fougères et l’obligation qu’ils ont contractée et qui leur est imposée par leurs statuts de fournir à l’hôpital tous les remèdes internes et externes, hors le cas des épidémies, mais à l’envie de se procurer à eux seuls, l’émolument du débit toujours lucratif et qu’ils partageaient alors avec les droguistes, des matières qui entrent dans la composition des médicaments et remèdes.

Le privilège exclusif qu’ils ont de les vendre et d’être les arbitres de leur valeur, est le prix de l’obligation à laquelle ils se sont engagés et dont ils ont prévu les suites; ils lui sont aussi redevables de l’affranchissement des droits boursaux qui excéderaient la fourniture des remèdes.

Cédant trop facilement à leurs importunités, le Bureau, de l’agrément de la Cour, leur accorda, en 1762, un supplément de 50 livres annuelles; dans les temps d’épidémie, il les a indemnisés par des gratifications et cependant aujourd’hui ils essayent de transformer en droit ce qui n’a été qu’un don, ou d’anéantir l’article 16 de leurs statuts et de concordat de 1762.

Sans doute, la population a augmenté à Fougères mais aussi les secours pour les pauvres et les malades se sont multipliés. Dans des paroisses, des dames charitables pourvoient au besoin du plus grand nombre par des aumônes que tous les trois mois elles perçoivent et dont elles font la distribution proportionnelle d’après une liste exacte qu’elles font en vérification de l’état de chacun d’eux. Dans une autre, une bourse élémosinaire de près de 500 livres de revenu, procure les médicaments et la nourriture aux pauvres qui ne trouvent pas de place à l’hôpital; la troisième paroisse reçoit la charitable influence d’une abbaye qui la gouverne; enfin, une maison de la Providence s’est formée et les profits des apothicaires ont multiplié au centuple.

De tous les reproches personnels que les apothicaires font au Bureau d’administration, il en est un seul bien fondé, celui de l’établissement d’une nouvelle salle pour les malades car depuis 1684 jusqu’à présent dans les deux anciennes salles, le nombre de malade a varié à raison des épidémies et du plus ou moins de presse; dans l’un et l’autre cas, depuis 1684 jusqu’à présent, on y a dressé des lits en mettant sur les planchers des paillasses et des matelas, mais il n’y a pas de lits et il n’y en a jamais eu, qui aient été destinés particulièrement aux convalescents et qui, le jour, se glissent sous les autres; il est même impossible que cela se pratique ainsi par rapport au peu d’élévation de ces lits que des planchers et au peu de largeur de la plupart d’eux; d’ailleurs, les officiers de guerre s’opposent à la multiplication des lits et pour peu que les habitants soient attaqués dans des épidémies contagieuses, ils ne souffrent pas aussi qu’ils soient mêlés avec leurs soldats.

Lorsque les apothicaires ne supposent pas des faits, ils exagèrent ceux qui sont réels, ils portent cumulativement le nombre de lits des malades et ceux des enfants qui le deviennent extraordinairement à 89, mais il faut en extraire trois pour autant de domestiques infirmiers, un pour la surveillante des enfants et deux pour les domestiques servant à la cuisine. La salle des hommes est de 16 lits, celle des femmes de 14 et celle nouvellement établie de 10, ce qui ne donne que 40 lits ordinaires. Il n’est pas juste d’y comprendre ceux des enfants dont les incommodités ou les maladies n’entrent point en parallèle avec celles des personnes formées ou adolescentes qui se succèdent presque sans interruption; d’ailleurs, lorsque le concordat fut passé en 1762 entre le Bureau et les apothicaires, il ne fut point fait article de la salle des enfants trouvés.

Si les apothicaires, comme en 1762, se bornaient à demander deux sols par jour par chaque lit de la salle d’augmentation lorsqu’elle serait occupée par les soldats, leur demande serait d’au moins raisonnable, mais il est absurde que, sans déduction de la somme stipulées par le concordat, ils exigent 2 sols 6 deniers pour chaque soldat entré à l’hôpital.

En effet, dès qu’il n’y a point d’innovation respectivement aux anciennes salles, il importe peu aux apothicaires que les lits soient remplis par des bourgeois ou des soldats puisqu’ils sont obligés à fournir de remèdes les deux salles.

Le médecin traitant, objectent-t-il, ordonne des remèdes endémiques et beaucoup plus chers pour les soldats que pour les citoyens. Eh quoi! les pauvres de la ville ne sont-ils pas des hommes aussi précieux à l’état que les militaires qu’ils lui fournissent? Les maladies vénériennes sont pour les uns et pour les autres un titre d’exclusion; il n’y a donc et il ne peut donc y avoir de différence dans les traitements.

Cette observation des apothicaires, il faut l’avouer, ne fait ni leur éloge ni celui des médecins; toutefois s’ils ont véritablement lieu de se plaindre du médecin traitant, qu’ils fassent établir un codexRecueil officiel de médicaments autorisés dont ils ne puissent s’écarter ou qu’ils inventent un pancheste digne de l’approbation de la faculté et que le ministère adopte.

S’il est vrai, comme les apothicaires l’attestent, que les soldats se sont amusés à jeter leurs remèdes dehors, il faut qu’ils se soient attirés ces injurieux traitements pour ne s’être pas conformés aux ordonnances du médecin quelque loochMédicament sirupeux composé essentiellement d’une émulsion et d’un mucilage, sorte de substance végétale extraite de lichen, de graines de lin et de bourrache, composée de pectine ,souvent employée comme laxatif. mal assaisonné, aura eu cette malheureuse destinée, et il n’en aura pas fallu davantage pour exciter la bile de ces malades incivils.

Suivons les apothicaires dans les autres griefs: selon eux, la ville de Fougères a été, en 1769, pour la première fois, l’entrepôt des troupes, cependant elle compte au nombre de ses concitoyens plusieurs soldats dont les régiments y ont été en garnison bien des années avant l’incendie de 1751 qui lui en fit obtenir d’exemption, jusqu’au temps où de nouveaux édifices élevés en la place de ceux qui avaient été le proie des flammes, la firent cesser.

La moitié des troupes, ajoutent les apothicaires, qui ont entré en Bretagne et en sont sorties depuis deux ans, a passé par Fougères et cependant, elle n’a reçu dans son enceinte, par chaque année, que 5 à 6 régiments tout au plus, et à peu près autant de détachements.

On met encore, selon les apothicaires, deux matelas en chaque lit, mais ces malades sont deux matelots qui ne sont point une surcharge pour l’apothicaire desservant; ils ne le sont que pour l’hôpital, leur maladie est la fatigue occasionnée par la marche que dissipent le repos et la bonne nourriture.

Quelque fois, à la vérité, il arrive que pendant la nuit, on apporte à l’hôpital un soldat que son camarade vient de blesser, alors celui des mieux convalescents se lève pour lui céder sa place, ou il partage le lit d’un autre, ou il passe le reste de la nuit près du feu, mais le matin, il est congédié, ou un autre, s’il en est qui ait moins besoin que lui du secours de l’hôpital.

L’un des apothicaires plaignants, abonné de fournir aux prisonniers anglais malades tous les remèdes et médicaments à raison de 2 sols 6 deniers par jour pour chacun d’eux, y a fait des profits considérables, néanmoins le médecin traitant de l’hôpital était un des médecins des Anglais.

Mais que l’on extire 2 sols 6 deniers des 14 sols que le roi paye pour les soldats, c’est augmente la perte de l’hôpital que ces 14 sols ne remplissent pas de ses dépenses. La viande, en effet, coûte 6 sols la livre, le pain coûte 2 sols 8 deniers, il ne faut pas moins d’une livre et demie de viande et une livre et demie de pain par chaque soldat pour sa nourriture et son bouillon. L’un dans l’autre des deux objets, le pain et la viande coûtent déjà à l’hôpital 13 sols par chaque soldat; il ne reste donc qu’un sol pour la fourniture du cidre, du vin, de l’eau-de-vie, du bois, de la chauderieOn chauffait alors les lits avec des bassinoires emplies de braises. et le l’entretien des matelas et paillasses qu’il faut renouveler souvent.

Le chirurgien traitant serait bientôt excité par le succès des apothicaires et demanderait tout autant un sol par chaque soldat, le médecin croira être traité comme les deux autres, il restera d’effectivement 2 ou 3 sols, moins que rien à l’hôpital.

Cependant il faut qu’il pourvoit aux besoins des femmes malades et des enfants trouvés, aujourd’hui très nombreux par le séjour des troupes; il faut qu’il paye les honoraires du prêtre gardien, les gages de trois domestiques infirmiers, de la surveillante des enfants et de deux autres. Il y a par surcroît de charges, les réparations sans nombre qu’entraîne un vieil édifice qui s’écroule et que l’on ne soutient qu’à grands frais. Mais, disent les apothicaires, faut-il que nous nous ruinions pour l’hôpital? Ah! qu’ils disent plutôt pour le roi.

L’hôpital surchargé de soldats et de matelots que Sa majesté force de devoir pour 14 sols, n’est plus un zèle pour les hommes de la ville et il a la douleur de les en voir exclus le plus souvent par ces militaires qui n’ont d’autres incommodités que celles qu’ils affectent pour les tirer du cachot auquel leurs officiers les ont condamnés.

Les administrateurs n’ont point été insensibles aux malheurs de leurs concitoyens; ils ont supplié le ministre d’établir un hôpital militaire ou d’étendre les places du lieu; ils ont en même temps sollicité des secours afin d’être en état de recevoir les soldats et les matelots et que les habitants qui y ont un droit primitif y soient admis, mais leur supplique n’a point été accueillie.

Plus heureux qu’eux, le sieur Le Noir, apothicaire, et le sieur Dubourg-Connault, chirurgien de l’hôpital, ont été écoutés; celui-ci a obtenu et toucher une gratification de 250 livres; la requête de celui-là renvoyée par le sieur intendant à son subdélégué, a été expédiée d’un avis pour lui faire obtenir 900 livres en récompense de son service de l’année dernière, s’il ne les a pas touchées, peut-être que son mémoire, épuré au creuset, a beaucoup perdu de son poids.

Quoiqu’il en soit, les apothicaires astreints par une loi leur imposée et par eux provoquée, à fournir à l’hôpital tous les remèdes internes et externes, il était naturel qu’ils eussent supplié sa Majesté de leur ôter un fardeau qu’ils trouvent trop pesant et que leurs devanciers comme leurs instituteurs ont porté sans se plaindre.

Mais ce fardeau n’est-il pas celui du public? N’est-ce pas le public qui acquitte le marchand de ses charges et dépenses? Capitation, industrie, port de marchandises, loyer de maison, tout est payé par l’acheteur, et les apothicaires n’ont jamais passé pour maladroits en fait de mémoire.

Ils n’ont pas fait réflexion qu’en proposant de transmettre aux dames religieuses hospitalières la manipulation de leurs médicaments, de leurs drogues et des compositions chimiques de leur art; ils proposoient un expédient illégal puisque par une des dispositions de leurs statuts particuliers et des statuts de tous les apothicaires du royaume, elle est interdite à leurs veuves si elles n’ont pour coopération un garçon apothicaire breveté d’un maître agréé par la communauté sous les yeux de laquelle il a dessein de travailler.

Quel parti nous reste t-il donc à prendre et quel remède a notre mal, disent les apothicaires? ...point d’autre qu’une dose de patience pour l’exécution d’une loi qu’il ne leur est pas permis d’enfreindre Durum sed levius fit patienta quid corrigere est nefas, car l’hôpital n’est nullement en état de former une pharmacie, ni de payer les gages d’un manipulateur. Le Bureau d’administration seroit charmé que les facultés le missent à lieu de créer un établissement aussi utile qui déplairoit bientôt aux apothicaires et auquel ils ne tarderoient pas à vouloir mettre des entraves, puisqu’ils portent envie et demandent à partager avec les pauvres quelques légères aumônes que des personnes aisées et charitables qui savent par eux-mêmes le véritable état de l’hôpital, donnent de leur propre mouvement pour des domestiques qu’ils y placent lorsqu’ils sont attaqués de maladies contagieuses dont ils craignent le venir pour eux et pour leurs enfants. Les apothicaires multiplicateurs et fertiles ont travesti en une contribution de 6 livres payable et exigible tous les mois ces aumônes qui depuis 5 à 6 ans ne se montent pas à 30 livres.

Si les faits allégués par les apothicaires sont la moindre des pertes dont ils se plaignent, elle n’est certainement pas grande et leurs griefs ne sont pas aussi réels qu’ils veulent le faire croire.

Les administrateurs ont tout lieu d’espérer que la Cour qui a toujours été le plus puissant appui des hôpitaux, n’écoutera pas les demandes des apothicaires de Fougères dont le principal objet est d’anéantir, s’il étoit possible, une obligation qui fut la première cause de l’existence des apothicaires et du privilège exclusif de vendre les remèdes et médicaments, de la valeur desquels ils sont les seuls appréciateurs, dont le principal objet est aussi d’annihiler le concordat de 1762 qu’ils ont accepté et auquel la Cour a donné son approbation. 1 B 10-15

Avis donné par les avocats du Bureau de l’administration de l’Hôtel-Dieu à propos de la requête des apothicaires portée en Parlement

Le Conseil soussigné qui a vu la copie signifiée le 20 mars dernier au Bureau d’administration de l’hôtel-Dieu Saint-Nicolas de Fougères, à la requête présentée à la Cour par les maîtres apothicaires de la même ville et de l’arrêt de soit communiqué du 11 précédent et un mémoire,

Est d’avis que les réponses qu’est obligé de faire le Bureau d’administration de l’hôpital de Fougères à la requête des apothicaires, peut obéir à l’arrêt du soit communiqué le 11 mars dernier, ne laissent pas d’être embarrassante parce qu’en cette matière et en beaucoup d’autres, l’exacte équité est toujours de grande considération et que l’entretien de l’hôpital et les besoins des pauvres malades quelques favorables qu’ils soient, ne doivent pas toutefois servir à ruiner les particuliers,

Qu’en argumentant contre les apothicaires de Fougères, de ce qui s’est passé en 1684 et 1762, on pourrait dire seulement qu’ils n’ont point de payement à prétendre pour leurs soins personnels, mais non pas qu’ils soient obligés de fournir, en quantité et valeur, beaucoup plus de remèdes que ne comporte la somme fixe qui leur est payée par an, s’il est évident qu’ils n’y retrouvent pas leurs simples déboursés.

Les observations qui paraissent devoir former la substance des réponse du Bureau d’administration sont:

1° que, du propre aveu des apothicaires, leur établissement en 1684 ne fut autorisé que sous la condition qu’ils seroient utiles à l’hôpital, le serviroient et lui fourniroient des remèdes pour la somme de 150 livres payable chaque année.

2° qu’en 1762, ils exposoient, pour obtenir une augmentation, les mêmes motifs qu’ils exposent aujourd’hui, l’accroissement des lits portés dès lors jusqu’à 38 et annoncé à pour être incessamment de 8 de plus, c’est-à-dire 46 au total; la perfection des grandes routes d’Ernée et Saint-Hilaire, les passages et séjours d’un plus grand nombre de soldats, pour chacun desquels reçu malade à l’hôpital, les apothicaires demanderoient 2 sols par jour. Or, sur ces demandes et l’articulement du préjudice qu’ils souffroient, il leur fut accordé 50 livres de plus qu’ils n’avoient auparavant, en sorte qu’ils ont eu depuis 200 livres par an. Ce traitement fut par eux accepté; ils s’en sont contentés et le concordat qu’ils en consentirent de leur plein gré, fut sur leur propre requête et sur les conclusions de Mr le Procureur général du Roi, homologué par arrêt de la Cour. Il n’est pas juste d’en faire de nouveau tous les 15 à 20 ans; s’il y a des années onéreuses pour les apothicaires, il y en a aussi d’utiles où ils ne dépensent peut-être pas ce qu’on leur paye assidûment. La combinaison des unes avec les autres feroit voir qu’ils ne sont point en perte année commune.

3° En considérant que lors de ce concordat de 1762, ils convenoient de 36 lits à l’hôpital, ne se refusoient point d’y fournir des remèdes nécessaires et renonçoient à la prétention de 2 sols par soldat malade au moyen de 200 livres par an pour le tout, il est aisé d’apercevoir le vice de leur calcul actuel. D’un côté, si en 1762, ils se reconnurent satisfaits d’une augmentation annuelle de 50 livres quoique celle des drogues et des denrées se fut depuis 1684 jusqu’à cette époque bien plus accrue que depuis 1762 jusqu’à présent, les nouvelles causes de dépense qu’ils allèguent ne pourroient tout au plus leur procurer qu’une autre augmentation de 50 livres par an, pour l’avenir seulement et non pas pour le passé, temps auquel on a vécu de part et d’autre à forfait, profits ou pertes. Sur la foi du concordat et de l’arrêt d’homologation de 1762; d’un autre côté, les apothicaires ne disent pas que dans les temps où l’hôpital est surchargé de soldats, on se trouve dans la nécessité de recevoir d’autant moins de pauvres malades de la ville; ils ne peuvent pas se plaindre pendant qu’il n’y a d’occupés que les 36 lits mentionnés en 1762, quels que soient les malades qui les occupent, soldats ou citoyens. Il n’y aurait donc qu’un plus grand nombre qui pût être un sujet de plainte pour les apothicaires et ce plus grand nombre est rare, il n’est point habituel.

4° Il y avait en 1762, comme à présent, des enfants trouvés à l’hôpital. Les apothicaires n’en firent pas moins le concordat homologué, ce qui n’est point là un nouveau motif d’y revenir.

Ce sont là les raisons principales à employer dans les réponses de l’hôpital; mais quoiqu’elles aient une apparence de justice, on croit qu’à moins d’être bien persuadé que la perte des apothicaires n’est pas telle qu’ils l’exposent, le Bureau d’administration devrait prendre une délibération pour leur accorder une indemnité, soit de 50 livres par an, soit de 18 deniers ou 2 sous par soldat, car enfin quoique les 14 sols payés par le roi soient très modiques, il est pourtant certain que dans cette paye entre la fourniture des remèdes à chaque soldat malade, laquelle fourniture ne doit pas être à la charge des apothicaires s’ils n’on aucune part au payement que fait Sa Majesté.

En admettant les 2 sols par soldat, il faudrait d’abord en retrancher les 36 lits reconnus en 1762 et de consentir aux 2 sols que pour l’excédent; mais ce qui doit être absolument refusé par le Bureau d’administration, ce sont les mémoires des apothicaires qui pourraient constituer l’hôpital en frais arbitraires au-dessus de ses facultés et qui donneraient lieu encore à de nouveaux frais s’il fallait les faire examiner par experts.

En un mot, les demandes des apothicaires sont excessives mais si la vérité des faits dont ils offrent la preuve peut être constatée, elles ne sont pas entièrement injustes; elles sont même d’autant plus favorables qu’ils offrent de donner leurs soins gratuitement pour l’établissement d’une pharmacie à l’hôpital si le Bureau d’administration le juge utile et possible. On ne les forcera pas de continuer à fournir tous les remèdes nécessaires sans espérance d’être ensuite remplis de leurs déboursés. Il faut donc prendre un tempérament inspiré par l’équité, le moins désavantageux pour l’hôpital et aussi le moins ruineux pour les fournisseurs. On n’en voit pas d’autres en présupposant la perte soutenue par les apothicaires que de consentir l’augmentation de 50 livres par an ou les 2 sous par soldat autant qui y en aura à médicamenter au-delà de ceux qui occuperont les 36 lits.

Délibéré à Rennes le 12 avril 1780
Signé: Le Chapelier et Boylève, avocats à la Cour.

1 B 10-16
Extrait du registre des délibérations du Bureau des pauvres de l’Hôtel-Dieu
Autorisation donnée à Me Berthier de défendre à la demande des apothicaires

Du 18 avril 1780

Maître Vigrou procureur greffier de ce Bureau, vous remontre, Messieurs, que par votre délibération du 4 de ce mois, vous le chargeâtes d’envoyer à Me Berthier, votre procureur à la Cour, la requête des maîtres apothicaires de cette ville et le mémoire que vous aviez adressé en réponse pour le conseiller à Messieurs du Parc-Poullain, Le Chapelier et Boylève, avocats à la Cour, pour vous indiquer la conduite que vous deviez tenir dans cette affaire.

Votre remontrant, Messieurs, a rempli vis intentions en obtenant la consultation que vous désiriez, qu’il a l’honneur de vous représenter avec la lettre de mon dit sieur Berthier, il vous prie de prendre lecture du tout et délibérer.

Du dit jour,

Le Bureau dûment convoqué et assemblé à la manière accoutumée, à la diligence de Mr le Procureur du Roi, où ont été présents Messieurs le Général, l’alloué, le procureur du roi, Bougret recteur de Saint-Léonard, Poirier de la Gautrais, Malherbe de la Bouëxière, Lebouc de la Bouteillère, Vincent prêtre gardien et Vigrou de la Perrière greffier.

Le Bureau délibérant sur la remontrance de maître Vigrou , lui a donné acte de la représentation de la consultation de Messieurs Le Chapelier et Boylève, avocats au Parlement ainsi que de la lettre de Me Berthier et après avoir eu lecture du tout,

Considérant que son accession au concordat de 1762 avec les apothicaires n’a eu, entre autres, pour objet que l’augmentation de 8 lits qui devoit avoir lieu au-delà de 38 ordinaires; que cette augmentation n’a pas eu lieu en son entier puisque vérification faite des lits existants aujourd’hui dans les deux anciennes salles et celle nouvellement établie, et d’après le rapport des dames hospitalières, l’ancienne salle des hommes ne contient que 21 lits, l’ancienne salle des femmes 17 lits et la nouvelle salle pour les hommes 10 lits, ce qui fait au total 48 lits desquels il faut extraire 3 lits pour les infirmiers dans la salle des hommes et 3 lits dans celle des femmes, ce qui réduit les lits destinés aux malades à 42, tandis que lors de l’accession du Bureau au concordat de 1762, le nombre de lit devait être porté à 46 et que cette considération seule l’avoit engagé à accorder aux apothicaires une augmentation de 50 livres par an.

Considérant en outre que lors de ce concordat, les maîtres apothicaires ont renoncé, en faveur de cette augmentation de 50 livres par an, à exiger 2 sols par jour pour chaque soldat entrant à l’hôpital; que dans les temps de crise, le Bureau a toujours indemnisé les apothicaires servants, mais que la dysenterie que l’on a essuyé l’été et l’automne derniers n’a point été une surcharge pour l’apothicaire desservant puisque l’hôpital n’a été presque rempli que de soldats qui n’en étoient point infectés.

Pour ces considérations et autres portées tant au mémoire à consulter que dans la consultation du 12 de ce mois, le Bureau a donné ordre à Maître Berthier, son procureur à la Cour, de prier Mr Le Chapelier de vouloir bien se charger de la défense de l’hôpital et de demander à la Cour le déboutement des demandes des apothicaires, quoique ce soit de procurer à l’hôpital le suivi le plus avantageux sans cependant accorder aux 2 sols ou 2 sols ½ par jour demandés. Au surplus, le Bureau a chargé maître Vigron son greffier, d’envoyer à Messieurs Le Chapelier et Berthier, copie collationnée de la délibération en forme de concordat du 18 mai 1762, de l’arrêt de la Cour du 25 juin suivant, qu’il homologue ladite délibération qui a accordé un supplément au sieur Gesnouin pour service extraordinaire et de la présente pour servir d’ordre à maître Berthier qui se conformera en tout à l’avis de Mr Le Chapelier.

Signé au registre: Patard, M. le Sénéchal, Des Bouillons, Monsieur l’alloué, Fournier,
M. le Procureur du roy, Bougret recteur de Saint-Léonard, Vincent prêtre gardien,
Malherbe de la Bouëxière, Poirier de la Gautrais, de la Bouteillère, Lebouc et Vigron greffier.

1 B 10-17
Supplique adressée au Parlement par les administrateurs de l’Hôtel-Dieu contre les apothicaires

Du 22 mai 1780

À nos Seigneurs de Parlement supplient humblement les administrateurs du Bureau de l’Hôtel-Dieu de Saint-Nicolas de la ville de Fougères, en requête du 8 mars 1780, contre les maîtres apothicaires de la dite ville de Fougères, de suite et diligences du sieur Le Noir.

Disant que la communication leur faite de la de la requête des maîtres apothicaires de Fougères en exécution d’arrêt de la Cour, leur apprend que les apothicaires non satisfaits d’un payement honnête pour les remèdes nécessaires qu’ils fournissent à ceux que la misère et la pauvreté conduisent à l’Hôtel-Dieu, demandent une augmentation qu’on désiroit pourvoir leur accorder si leur demande étoit légitime et si les facultés des administrateurs le leur permettoient; mais n’ayant entre eux d’autre union que celle que forme la charité, d’autre ambition que celle de consacrer leurs soins à l’ordre et au règlement de cet hôpital, d’autre but dans leurs assemblées que de guérir l’infirmité, de donner à chaque espèce de misère un secours qui l’adoucisse, d’autre objet que de remplir ces engagements, ne peuvent acquiescer à une demande qui dans son exécution les priveroient de ces avantages.

Si des plaintes poussées à l’excès de pertes imaginaires et qui n’existent que dans l’idée qu’on s’en forme, donnoient lieu à une augmentation qui grèveroit les pauvres en les privant des secours qu’ils doivent attendre d’une maison établie par principe de charité; que n’auroient pas à craindre des administrateurs dont l’unique avantage est de se rendre utiles aux citoyens, le chirurgien traitant, suivant l’exemple des apothicaires, demanderoit une augmentation, le médecin croira devoir être traité comme les deux autres et le faible produit de l’hôpital versé dans leur bourse grèveroit les malheureux qui manqueroient du plus nécessaire.

C’est la cause des pauvres qui animé le zèle des administrateurs dans le refus qu’ils ont fait d’admettre une demande qui ne leur paroit pas fondée et dont les suites seroient dangereuses.

Ce n’est point au généreux dévouement pour le service de l’indigence que l’on attribuer l’érection faite en 1684 de la communauté des apothicaires de la ville de Fougères et l’obligation qu’ils ont contracté et qui leur est imposée par leurs statuts de fournir à l’hôpital tous les remèdes internes et externes, hors le cas des épidémies, mais au désir de se procurer à eux seuls l’émolument du débit toujours lucratif, et qu’ils partageroient alors avec les droguistes, des matières qui entrent dans la composition de médicaments et remèdes, le privilège excessif qu’ils ont de les vendre et d’être les arbitres de leur valeur, est le prix de l’obligation à laquelle leurs statuts les obligeoient et à laquelle ils se sont engagés avec le double avantage de s’affranchir des droits royaux qui excèderoient la fourniture des remèdes.

La somme de 150 livres leur avoit été accordée pour la fourniture de leurs remèdes leur parut alors suffisante, mais le Bureau cédant à leurs importunités, en 1762, leur accorda sous l’agrément de la Cour, un supplément de 50 livres par an. Dans les temps d’épidémies, il les a indemnisés par des gratifications.

La délibération du Bureau du 18 février 1762 en donne la preuve, et actuellement ils voudroient transformer en droit ce qui n’est qu’un don, anéantir l’article 16 de leurs statuts et le concordat de 1762.

Si la population a augmenté à Fougères, le nombre de malades n’a pas été plus considérable pour l’hôpital, le nombre de lits faisant la règle pour ceux qu’on y reçoit, mais heureusement les secours pour les pauvres et les malades se sont multipliés. Dans l’une des paroisses, des dames charitables pourvoient aux besoins du plus grand nombre par des aumônes que tous les mois elles perçoivent et dont elles font la distribution proportionnelle d’après une liste exacte et la vérification de l’état de chacun.; dans une autre, une bourse élémosinaire de près de 500 livres de revenu procure les médicaments et la nourriture aux pauvres qui ne trouvent pas de place à l’hôpital et ces médicaments sont vendus par les apothicaires; la 3ème paroisse reçoit la charitable influence d’une abbaye qui la gouverne; enfin, une maison de la Providence s’est formée et les profits des apothicaires se sont multipliés.

Désirant les augmenter lorsqu’ils ne supposent pas des faits, ils les exagèrent, ils portent les lits des malades et des enfants, qui ne deviennent malades que très rarement, à 89 lits.

La délibération prise par le Bureau le 18 avril dernier prouve l’exagération, elle apprend qu’il n’accéda au concordat de 1762, c’est-à-dire à l’augmentation de 50 livres par an, que parce qu’on devoit placer dans la salle 8 lits au-delà de 38 qui existoient depuis 1684. Cette délibération apprend que cette augmentation n’a pas eu lieu en son entier, que vérification faite des lits existants dans les deux anciennes salles et dans celle nouvellement établie, l’ancienne salle des hommes contient 21 lits, celle des femmes 17 et la nouvelle salle pour les hommes 10 lits, ce qui fait au total 48 lits dont il faut extraire 3 lits pour les infirmiers dans la salle des hommes, 3 lits dans celle des femmes, ce qui réduit à 42 les lits destinés pour les malades, dans le temps que l’accession du Bureau au concordat de 1762 étoit sur ce que le nombre des lits pour les malades devoit être porté à 46 lits.

En conséquence de ce concordat, les apothicaires se désistèrent de l’idée qu’ils s’étoient formés de prétendre 2 sols par jour pour chaque soldat, prétention qu’ils voudroient aujourd’hui renouveler sans faire attention que les 14 sols que le roi paye pour les soldats ne remplissent pas les dépenses de l’hôpital.

Il ne faut pas moins d’une livre et demie de viande et une livre et demie de pain par chaque soldat pour sa nourriture et son bouillon; la viande coûte 6 sols la livre et le pain 2 sols 8 deniers. Ces deux seuls objets de viande et de pain coûtent à l’hôpital 13 sols pour chaque soldat, il ne reste donc que 1 sol pour la fourniture du cidre, vin, eau-de-vie, du bois, de la chandelle, du linge, des matelas et paillasses qu’il faut renouveler souvent.

Dès lors qu’il n’y a pas d’innovation respectivement aux anciennes salles, il importe peu aux apothicaires qu’elles soient remplies par des bourgeois ou des soldats puisqu’ils ne sont obligés de fournir les remèdes qu’à ceux qui y sont reçus. On convient que le nombre des malades à raison des épidémies, augmentait dans les temps de presse, on a dressé des lits sur le plancher formés de paillasses et matelas, mais il n’y a pas de lits, et il n’y en a jamais vu, qui aient été destinés aux convalescents et qui le jour se glissent sous les autres. Il serait même de toute impossibilité de le faire par le peu d’élévation et leur peu de largeur. D’ailleurs les officiers de troupe s’opposent à la multiplication des lits et pour peu que les habitants soient attaqués de maladies épidémiques ou contagieuses, ils ne souffrent pas qu’ils soient avec leurs soldats.

Les apothicaires, peu exacts dans les faits, disent qu’on met deux malades en chaque lit. Le Bureau serait le premier à s’y opposer. Si le fait était vrai, mais jamais on a exposé deux malades dans le même lits, on y a mis quelquefois deux matelots qui ne sont pas une surcharge pour l’apothicaire de service, elle ne l’est que pour l’hôpital, leur maladie étant la fatigue occasionnée par la marche que dissipent le repos et la bonne nourriture. Quelques fois les soldats n’ont pas d’autre maladie que la fatigue ou autre incommodité que celle qu’ils affectent pour se retirer des cachots où leurs officiers les ont condamnés. Il arrive aussi, mais rarement, que pendant la nuit on apporte à l’hôpital un soldat blessé par son camarade, alors le convalescent le plus en état de lui céder la place se lève ou il partage le lit d’un autre convalescent, ou passe le reste de la nuit près du feu et dès le matin, on congédie celui qui a le moins besoin du secours de l’hôpital.

Les apothicaires disent que le médecin ordonne des remèdes plus chers pour les soldats que pour les citoyens. N’est-ce pas faire injure au médecin et dire que les pauvres de la ville ne sont pas des hommes aussi précieux à l’Etat que les militaires qu’il lui fournisse?

Si quelques soldats ont jeté les remèdes de l’apothicaire c’est parce qu’ils n’en avaient pas besoin ou parce que l’apothicaire n’avait pas suivi l’ordonnance du médecin, quelque loch mal assaisonné aura peut-être eu cette destinée, il n’en aura pas fallu davantage pour exciter la bile de ces malades incivils.

La dysenterie qu’on a essuyé l’été et l’automne derniers n’a point été une surcharge pour l’apothicaire de service, l’hôpital étant rempli de soldats qui n’en étoient pas attaqués et cette maladie n’exigeoit que des remèdes les plus simples: une bonne nourriture et l’usage de cette boule qui pouvoit rétablir une vingtaine de malades.

Suivant les apothicaires, la ville de Fougères a été pour la première fois en 1769 l’entrepôt des troupes, cependant elle compte au nombre de ses citoyens plusieurs soldats dont les régiments y ont été en garnison bien des années avant l’incendie de 1751 qui lui en fit obtenir l’exemption jusqu’au temps où de nouveaux édifices élevés en la place de ceux qui avaient été la proie des flammes la firent cesser.

Ils avancent que la moitié des troupes qui ont entré en Bretagne ou en ont sorti, ont passé par Fougères et cependant cette ville n’a reçu dans son enceinte par chaque année que 5 à 6 régiments tout au plus et à peu près autant de détachements.

Mais quand il en est passé des milliers, qu’importe! On sait que le roi exige la préférence pour les soldats et le Bureau a eu le chagrin de voir ses habitants exclus le plus souvent par des soldats dont toute maladie consistoit dans la liberté qu’ils cherchoient ou dans la fatigue qui exigeoit du repos. Pendant que les soldats et matelots ont occupé l’hôpital, les habitants en ont été exclus et c’est ce qui a donné lieu à l’érection de cette bourse élémosinaire destinée pour les pauvres qu’on ne pouvoit recevoir à l’hôpital. Toujours est-il vrai que c’est le nombre de lits qui fixe et a toujours fixé celui des malades et ce nombre loin de surpasser est inférieur à ce qui avoit été réglé lors du concordat de 1762; on doit même observer à la Cour qu’on ne reçoit ni soldat ni habitant attaqué de maladies vénériennes. On n’y reçoit que ceux qui ont les maladies ordinaires et qui quelques fois n’ont pas besoin du secours de l’apothicaire.

En 1762, on recevoit comme actuellement les enfants exposés à l’hôpital; il est vrai que le nombre a augmenté depuis qu’il existe des troupes en Bretagne, mais ces enfants n’ont besoin que de bon lait et n’attendent aucun secours de la pharmacie.

Les événements de la guerre dont les apothicaires prétendent tirer avantage leur ont été bien favorables par les profits qu’ils ont faits.

Un des apothicaires qui prétend vexer l’hôpital, abonné pour fournir aux prisonniers anglois malades tous les remèdes et médicaments à raison de 2 sols 6 deniers par jour sur chaque tête, a fait des profits considérables.

Le sieur Le Noir, apothicaire, et le sieur du Bourg-Connault, chirurgien à l’hôpital, ont demandé aux ministres des gratifications qu’ils ont obtenues. Le sieur Connault a reçu 250 livres; la requête du sieur Le Noir renvoyée par le Commissaire de partie dans la province à son subdélégué à Fougères, a été expédiée d’un avis pour lui faire obtenir 900 livres en récompense de son service de l’année dernière, somme qu’il a touchée ou touchera en peu. Ainsi les apothicaires peuvent se féliciter d’avoir eu des soldats à Fougères qui, sans augmenter le nombre de malades à l’hôpital étant fixé sur le nombre des lits, leur ont procuré des récompenses considérables.

Les administrateurs n’ont pas été si heureux, sensibles aux malheurs de leurs concitoyens qui ne pouvoient être reçus à l’hôpital pendant qu’il étoit occupé par les soldats, ils ont supplié le ministre d’établir un hôpital militaire ou d’étendre l’espace du leur; ils ont en même temps sollicité des secours afin d’être en état de recevoir les soldats, les matelots et les habitants qui y ont un droit primitif, mais leur supplique n’a pas été accueillie.

Le chirurgien et l’apothicaire ont été plus heureux, on les en félicite avec un vrai plaisir, mais qu’ils se bornent à des gratifications assez considérables et qu’ils ne viennent pas enlever aux pauvres leur subsistance.

Le Bureau s’est prêté, autant que ses facultés le lui ont permis, à gratifier à l’occasion, mais comme c’est lui qui seul a supporté le fardeau sans retirer, comme il l’a observé, aucun bénéfice sur la rétribution qu’on donne par soldat, que ses dépenses ne sont devenues même que plus considérables, outre la charge des femmes malades et des enfants trouvés actuellement très nombreux par le séjour des soldats, l’honoraire du prêtre gardien, les gages de trois domestiques infirmiers, de la surveillante des enfants et de deux autres domestiques, et les réparations annuelles qu’entraîne un vieil édifice qui s’écroule et que l’on ne soutient qu’à grands frais, l’hôpital n’est-il pas en état de former une pharmacie.

Les plaintes indiscrètes des apothicaires feroient désirer d’être en état de l’établir; ils n’auroient plus besoin d’apothicaire, mais les dépenses surpassent leurs revenus; ce qui leur procure quelques légères aumônes que des personnes charitables qui savent par eux-mêmes le véritable état de l’hôpital, donnent de leur propre mouvement pour des domestiques qu’ils y placent lorsqu’ils sont attaqués de maladie contagieuse dont ils craignent le venin pour eux et pour leurs enfants. Ce sont ces aumônes qui depuis 5 à 6 ans n’ont pas fait un objet de 30 livres que les apothicaires ont présenté comme une contribution de 6 livres payables et exigibles tous les mois.

C’est ainsi qu’ils ont exagéré les factures pour donner quelque couleur à leurs plaintes qui ne sont pas aussi réelles qu’ils veulent le persuader, et au moyen desquelles il sembleroit qu’ils voudroient se dégager de la loi établie par l’article 16 de leurs statuts, bien adoucies par le payement annuel de 200 livres qui ne forme pas le ¼ de la valeur intrinsèque des remèdes qu’ils fournissent. Il n’est point question d’en revenir à valeur de la monnaie, il n’y a pas eu de changement depuis 1762, alors comme actuellement elle étoit au même prix, le concordat fut fait avec assurance que l’augmentation de 50 livres seroit la dernière qu’ils demanderoient si même les drogues ont augmenté, c’est pour le citoyen et non pour l’apothicaire qui, par les noms baroques qu’il donne à chaque plante, fait perdre d’idée qu’elle prend naissance sur nos coteaux; aussi dit-on communément, en parlant d’un mémoire qui paraît excessif que c’est un mémoire d’apothicaire, on peut le dire et le fait est notoire, il n’en est point qui ayant du débit ne soit au plus de l’aisance.

Les pauvres de l’hôpital, cette portion chérie qui dans la cruelle indigence, en sont souvent la triste victime, n’ont pas un pareil avantage, ou plutôt les administrateurs qui ne peuvent pourvoir à leurs besoins ne peuvent encore les réduire par une nouvelle taxe qui s’augmenteroit à proportion des services de ceux qui par état doivent plus par charité que par intérêt veiller à la conservation des citoyens réduits à chercher leur santé dans ce lieu destiné principalement pour eux et font sur de pareils motifs que les administrateurs espèrent de l’équité de la Cour qui a toujours été le plus puissant appui des hôpitaux, qu’elle rejettera une demande dont le principal objet est d’anéantir s’il étoit possible une obligation qui fut la première cause de l’existence des apothicaires et du privilège exclusif de vendre les remèdes et médicaments de la valeur desquels ils sont les seuls appréciateurs et d’anéantir le concordat de 1762 qu’ils ont accepté et auquel la Cour a donné son approbation, ce qui met les suppliants en droit de requérir ce considéré.

Qu’il vous plaise Nos Seigneurs, mander en la Cour les procureurs des parties pour eux ouï sans s’arrêter à la requête des maîtres apothicaires de Fougères du 8 mars 1780; ils en seront déboutés tant par fin de non recevoir qu’autrement et condamnés aux dépens sans autres droits et conclusions qui demeurent expressément réservés et ferez justice.

1 B 10-19
Supplique des apothicaires adressée au Parlement contre les administrateurs du Bureau de l’Hôtel-Dieu

Du18 avril 1781

À Nos Seigneurs de Parlement, supplient humblement les maîtres apothicaires de la ville de Fougères, suite et diligence du Sieur Guillaume Ollivier Le Noir nommé par la communauté demanderesse par la présente contre les administrateurs du Bureau de l’Hôtel-Dieu Saint-Nicolas de Fougères, défenseurs,

Disant que ce n’est pas en répondant du ridicule et des sarcasmes qu’un corps politique tel qu’un bureau d’administration doit répondre d’une demande lui formée. Ce genre de défense est seul capable de faire suspecter le zèle qu’il réclame comme le mobile de son opposition; le vrai zèle ne connaît ni plaisanterie ni amertume, la lumière qui le dirige lui fait peser et discuter les raisons et la force de se renfermer dans les bornes d’une légitime défense.

La différence des qualités des parties en met beaucoup dans les rapports sous lesquels chacune d’elles saisit l’affaire pendante à la Cour . Les administrateurs de l’hôtel-Dieu n’y ont point d’intérêt personnel, ils ne laissent pas que d’en avoir un précieux, celui des pauvres; mais ne pourroit-on point dire qu’ils exercent la charité en spéculations tandis qu’ils en réservent la pratique pour les suppliants, ceux-ci comme part de famille ne pouvant être tenus de faire des charités au-delà de leur famille. Le premier devoir de la société consiste à pourvoir aux besoins des siens; la nulle comparaison à faire par anticipation entre les médecins et chirurgiens et apothicaires, ceux-là n’ont que leur temps à donner; pour eux c’est ..(?).. cessant. L’apothicaire sacrifie son temps pour la préparation des remèdes, il fournit ce qu’il a payé,il y a donc pour lui lucrum cessans et daminum emergens.

Il lui est de même de l’interprétation forcée que font les administrateurs de l’article 16 des statuts des apothicaires; on est bien éloigne d’assimiler, ils reconnurent lors comme ils le confessent aujourd’hui que la charité devoit être la base de la médecine et ils s’assujettirent ... et volontairement à fournir les remèdes nécessaires aux pauvres de l’hôtel-Dieu Saint-Nicolas moyennant la somme de 150 livres mais quel étoit à cette époque le nombre de lits de l’hôpital, celui de 19, on ne peut compulser les registres du temps et on demeure convaincus de cette vérité.

Cette somme était insignifiante en elle-même pour la fourniture des remèdes aux malades en proportion des 19 lits, la preuve en est dans l’article nommé qu’on invoque, il fut dicté par un principe de charité. Est-ce une raison pour la perpétuer et l’étendre au-delà? Le premier aspect ne présente rien de favorable aux administrateurs du Bureau de l’hôpital; que sera-ce lorsqu’on fera attention à la révolution survenue, aux prix des denrées qui entraînent l’augmentation du numéraire et que les 19 lits de 1680 étaient dès 1762 portés à 39, on sera obligé de convenir que les 50 écus de 1680 vaudroient actuellement près de 300 livres et que par le doublement des lits, ils auraient dû porter la fourniture d’à plus de 500 livres en 1780.

Aussi et en prenant pour base le motif de charité qui avoit déterminé la fixation de 1680 lorsque les apothicaires furent en 1762 sur le point de faire éclater leurs justes plaintes, le ministère public remplit avec la même dignité qu’il l’est aujourd’hui par Mr de la Chalotais paraissoit être d’avis d’accorder aux suppliants une somme de 300 livres, les administrateurs qui formaient lors le Bureau de l’Hôtel-Dieu furent élus en la demande des suppliants, on les flattent de les faire participer et des privilèges et des exemptions que la charité qu’ils exerçoient devoit leur assurer promesse illusoire et qui l’a point de suivi d’exécution.

Ont de même vu avec le plus grand étonnement qu’un des suppliants ayant fait un concordat verbal avec l’hôtel de ville pour fournir gratuitement tous les remèdes aux pauvres de l’hôpital général moyennant l’exécution du logement des gens de guerre et de la fourniture aux casernes et l’avoir exécuté pendant 21 ans, on a reconnu ses services et sa charité en lui envoyant un ordre de fournir aux casernes.

Et, puisque le Bureau d’administration qui est le même que celui qui compose l’hôtel de ville ne se pique pas d’entretenir les exemptions dont il s’étoit rendu garant, comment ose t-il avancer à la Cour que la communauté des apothicaires est affranchie de toutes taxes royales qui ne dépendent pas de lui. Ces taxes sont aussi la main du Gouvernement qui les proportionne aux besoins de l’Etat et lorsqu’il plaît à Sa Majesté d’en imposer sur les différents corps et métiers, la communauté des apothicaires y participe et les acquitte avec plus d’exactitude qu’on en met à lui délivrer dans le temps des maladies épidémiques des gratifications toujours inférieures à la quantité des remèdes préparés qu’elles exigent, gratifications dont on cherche néanmoins à faire un pompeux étalage.

On admire la même juste lorsque pour contredire une demande juste le Bureau d’administration convient que la population est augmentée en la ville de Fougères; il n’a pu désavouer une vérité de fait et qui tient naturellement à la situation de cette ville placée à l’extrémité de la province et sur les confins de celles de Normandie et du Maine. Mais à quoi attribuer cette augmentation de population? à l’émigration des habitants des deux provinces soumises au sel, à la taille et qui croient alléger le fardeau de leur imposition en se réfugiant dans une province exempte de ces contributions. On est en même temps forcé de convenir que ce ne sont pas des citoyens riches ni même aisés qui viennent habiter Fougères, qu’il n’y a nulle proportion entre les profits qu’ont peut faire et l’ouvrage qui en résulte visiblement, qu’on ne peut même méconnaître la cause de l’augmentation progressive des lits portés en 1762 à plus du double de ce qu’ils étaient en 1680 et qui ont plus que quadruplé en 1780, en y comprenant les lits des enfants et ceux nouvellement placés pour les militaires.

C’est à la même cause et à l’excessive cherté des denrées de première consommation qui depuis (de) longues années ne se trouve plus proportionnée au salaire de l’ouvrier qu’on doit l’épineux état de paiement de la bourse et imaginaire sur la paroisse de Saint-Sulpice et des dames de la charité en celle de Saint-Léonard, l’impossibilité de faire recevoir à l’hôtel-Dieu tous les malades et a excité le zèle de personnes charitables qui y pourvoient de toutes les manières, mais on ne peut pas dire que ce fait une source de consommation de profit pour les suppliants, toujours persuadés que la charité doit être la base de la médecine. Ils y concourent en fournissant les remèdes au prix coûtant.

On ne croit pas s’écarter de ce principe de la part des suppliants en réclamant contre le concordat de 1762, le changement des circonstances les force malgré eux à mettre des bornes à leur charité et on a peine à concevoir comment le Bureau de l’Hôtel-Dieu peut dire que l’augmentation de 50 livres ne fut fondée que sur la détermination prise de placer 8 lits de plus au-delà des 39 qu’on dit exister depuis 1684, tandis qu’il est de notoriété publique, transmise de génération en génération, qu’en 1684 il n’y avait que 19 lits et que le concordat de 1762 ne fut adopté par les suppliants que sur la promesse des membres du Bureau qu’ils ne placeroient pas un plus grand nombre de lits et que même leur bonne volonté pour secourir l’humanité n’aurait pu se concilier avec les facultés de l’Hôtel-Dieu qui leur interdiroient une augmentation quelconque.

C’est avec la même peine que les suppliants se trouvent forcés de dire que les allégations du Bureau sont en opposition avec les démarches, il pose pour assertion à la Cour que les 14 sols accordés par Sa Majesté pour chaque soldat malades sont inférieurs à la dépense qu’on fait pour eux et tout Fougères sera témoin des soins que le gardien de l’Hôtel-Dieu s’est donné pour empêcher que les malades militaires eussent passé à l’hôpital établi pour la Marine et d’interposition du crédit des personnes en place pour conserver à l’Hôtel-Dieu des malades seuls capables de lui procurer l’aisance dont il jouit et que ce même gardien a publiquement reconnu.

C’est effectivement chercher à faire illusion que d’évaluer à 13 sols par jour la dépense qu’on fait pour chaque militaire, non compris vin, cidre, eau-de-vie, linge, et les soldats attaqués de maladies aiguës n’ont point besoin de comestibles, les remèdes font toujours partie de leur subsistance, il ne reste plus à la charge de l’hôpital que le bouillon et le linge, et s’il étoit obligé, comme il l’avance, d’employer chaque jour pour chacun des malades une livre et demie de viande, elle devient l’aliment des convalescents.

Le fait et la raison se réunissent donc pour prouver que les militaires forment pour l’Hôtel-Dieu un bénéfice considérable tandis (que) la multiplicité des malades devient onéreuse aux apothicaires qui continuent de maintenir et demandent à prouver sur la contestation der l’Hôtel-Dieu que dans les cas d’affluence deux malades sont dans le même lit. Quand les suppliants ont avancé qu’un militaire leur coûtoit plus qu’un citoyen, ils savoient bien que dans l’ordre de l’humanité et de la charité, l’un étoit égal à l’autre et le Bureau a cherché à dissimuler que vis-à-vis du citoyen tout était dit après l’ordonnance du médecin vis-à-vis du militaire; après le médecin traitant reparoit le chirurgien major qui de son côté ordonne et exige que l’apothicaire fournisseur lui représente les ordonnances du médecin.

On peut ranger dans la même classe l’impéritieManque d’aptitude, incapacité à exercer sa profession reprochée aux suppliants par le Bureau de l’Hôtel-Dieu et le service de la boule de MarsLes mars sont des grains semés en mars (avoine, orge, millet...) la boule de mars était sans doute un remède confectionné avec ces céréales. est un remède efficace pour guérir les dysenteries. On n’a vu en aucun cas ni les médecins, ni les malades, ni les dames hospitalières se plaindre de la mauvaise préparation des remèdes et tous ceux qui approchassent des malades ont été témoins du sort qu’ils éprouvaient des remèdes. Si on ne les surveille pas de près pour les déterminer à prendre les remèdes, ils sont jetés; c’est ce qui arrive plus ordinairement aux militaires que l’humeur et l’ennui gagnent, pour ceux fournis aux dyssentriques . On prend droit par les ordonnances du médecin que les suppliants pour faire régler leur mémoire par les apothicaires de Rennes qu’il plaira à la Cour de nommer représentants.

Si avant 1769, il a passé des troupes par Fougères, s’ils en est resté en garnison a n’a été qu’évident moment. Cette ville n’étoit pas à cette époque et encore moins en 1762 réputée ville de garnison; aujourd’hui, il est donné pour certain que Fougères et Vitré sont destinées pour le casernement d’un régiment, ce qui pour le présent et pour l’avenir forme une surcharge à l’apothicaire fournisseur.

De supposition en supposition, le Bureau de l’Hôtel-Dieu prétend qu’en tous les temps les lits de l’hôpital ont été remplis; on ne peut mieux faire sur cet article important que de prendre droit par les registres de l’Hôtel-Dieu, on verra qu’alors les fournisseurs des apothicaires pour la fourniture le cas d’épidémie exceptée, il y avait plusieurs lits vacants ou qui n’étoient occupés que par des infirmes auxquels il ne falloit pas pour ainsi dire de remèdes, qu’on compare certains avec celui-ci, aucun lit vide, tous sont remplis et souvent doublé par des malades qui n’entrent à l’hôpital que pour recourir aux remèdes dont ils sont le plus pressant besoin et de refoulement dans l’hôpital provient de deux causes: l’une avivée par le Bureau, l’autre de fait: l’augmentation de la population, le passage continuel de troupes et la garnison toujours subsistante.

Et que penser du Bureau qui allègue un remède général pour les enfants comme il en a indique pour les dysentriques? L’usage du lait, selon lui, écarte toutes les maladies des enfants. Malheureusement pour l’apothicaire, le médecin traitant et l’expérience ne sont point d’accord avec le Bureau de l’Hôtel-Dieu, les ordonnances qu’il est obligé de remplir justifient le contraire et les suppliants s’y réfèrent et en offrent la représentation.

Quoique le secours donné au sieur Dubourg-Connault, chirurgien, et la somme de 250 livres accordée par le Gouvernement pour les militaires au sieur Le Noir, apothicaire fournisseur, en l’année 1780, soient opposés à la prétention des suppliants, ils prouvent la justice de leur demande, la gratification du sieur Le Noir ne peut balancer sa perte qui va à 900 livres, mais elle forme une reconnaissance que la somme accordée par le Bureau de l’Hôtel-Dieu est inférieure à la fourniture et c’est son devoir d’y pourvoir pour l’avenir, on voudra cette gratification momentanée, perpétuelle et la proportionner à la dépense d’un citoyen qui ne peut être écrasé pour le service d’un hôpital.

Quant aux plaintes du Bureau sur la part d’étendu de ses facultés, sur le refroidissement des aumônes et sur son maintien de ne point recevoir de gratifications de plusieurs citoyens qui mettent leurs domestiques à l’hôpital, à condition de payer, il ne peut être jugé dans sa propre cause; il y a un moyen bien simple de vérifier le tout, c’est que le Bureau représente à la Cour l’état de sa recette et de sa dépense en 1780 et 1762. Le tableau de comparaison avec la recette et la dépense de 1780 écartera toute difficulté.

Depuis 1680, les fondations se sont multipliées, le revenu des biens de l’hôpital a plus que triplé et on ne voudra pas faire participer les suppliants à une augmentation proportionnelle, c’est une obstination dont il est impossible de trouver d’exemple.

Si ce n’est dans l’assertion du Bureau de l’Hôtel-Dieu que les remèdes n’ont point augmentés de prix depuis 1680, comme on ne peut douter que ces remèdes ne soient respectivement simples ou composés de la terre, on doit convenir qu’ils ont suivi la résolution d’étendre les autres denrées qui depuis un siècle ont doublé de valeur, d’où il résulte que sous ce point de vue général, le Bureau de l’Hôtel-Dieu ne pouroit par principe de justice se dispenser de venir au secours des suppliants en leur donnant une augmentation proportionnelle; la circonstance même de la guerre devenoit beaucoup influente sur sa fixation. Une grande partie des drogues viennent de l’étranger et la liberté sur la mer étant interceptée, les fournisseurs et le fret portés au plus haut prix, augmentent nécessairement celui des drogues.

Car il ne peut y avoir que le Bureau qui puisse rester persuadé que les drogues ne consistent que dans des plantes qui croissent sur les coteaux. Cette précieuse et privative connaissance doit la déterminer à accepter l’offre des suppliants pour l’établissement d’une pharmacie dans l’hôpital; afin de faciliter l’exécution de ce projet, ils étendent leur offre jusqu’à faire l’avance d’une somme de 1000 livres dont ils seront remboursés dans l’espace de 5 ans, 200 livres chaque année à compter du jour de la formation de la pharmacie.

Qu’il seroit bon de voir les membres du Bureau imiter les suppliants en concourant de leur bourse à un établissement si pieux et si avantageux; on ne pourrait plus douter de la pureté de leur zèle et des motifs de charité qui les animent.

Quoiqu’il en soit en recevant cette affaire, les suppliants éprouvent une perte réelle et aussi forte par la représentation des ordonnances des médecins et mémoires des chirurgiens traitants. Ils demandent que l’Hôtel-Dieu représente à la Cour l’état de sa dépense et recette des années 1680 et 1762 pour la comparer à celui de la présente année; ils invoquent de la notoriété publique sur la révolution survenue depuis 1680 et même d’après 1762 dans le prix des drogues; ils supplient la Cour de vouloir bien faire attention au changement qui s’est passé depuis ces époques dans la ville de Fougères, la population y a considérablement augmenté, elle est devenue ville de garnison.

C’est d’après toutes ces réflexions que les apothicaires de Fougères supplient la Cour de prendre en considération l’état de plusieurs familles qui ne peuvent ni ne doivent être ruinées pour aller au secours d’un Hôtel-Dieu qui, s’il est de part sa charité, ne peut solliciter ni provoquer une injustice.

En qualité de citoyens le suppliants veulent bien concourir à soulager leurs concitoyens en fournissant des remèdes pour 39 lits occupés par eux, mais ils demandent 2 sols 6 deniers par jour pour leurs soldats ou matelots qui entreront dans l’hôpital et à raison desquels il perçoit une rétribution journalière de 14 sols. Dans cet état, ils requièrent de considérer.

Qu’il vous plaise, Nos Seigneurs, mander en la Cour les procureurs des parties pour eux ouï , sans s’arrêter aux exceptions du Bureau de l’Hôtel-Dieu de Saint-Nicolas de Fougères. Les conclusions prises par la requête des suppliants du 8 mars 1780 et celles qu’ils réservent de prendre en plaidant leur seront autant adjugées avec dépens sauf tous autres et ferez justice.

Signé: Des Bouillons, procureur et pour expédition est lue... et fait signifier.
Fait en Parlement le 11 avril 1781, signé Picquet et chiffré de Mr le Premier Président.

Le 18èmè avril 1781, fourni copie à maître Bertier, procureur adverse avec consignation à la première audience des ...(?)... de grande chambre, en parlant à son clerc au Palais de Rennes.

Signé Leboiz

1 B 10-20
Requête adressée au Parlement par les administrateurs du Bureau de l’Hôtel-Dieu contre les apothicaires de la ville

Du 27 mars 1782

À Nos seigneurs de Parlement,

Supplie humblement l’Hôtel-Dieu de Saint-Nicolas de Fougères demandeurs et défenseurs contre les maîtres apothicaires de la ville de Fougères,

Disant que le 13 de ce mois, il a été obtenu un arrêt sur le défaut du procureur dudit hôpital de Fougères contre lequel ce dernier a intérêt à se faire restituer, ce considéré,

Qu’il vous plaise, Nos Seigneurs mander en la Cour le procureur des parties pour eux ouïr, être le suppliant restitué et sans frais contre l’arrêt par défaut du 13 de ce mois, signifié le 23 et les fins et conclusions qu’il a prises et celles qu’il réserve de prendre dans la suite lui seront au tout adjugées avec dépense et ferez justice.

Signé: Berthier

1 B 10-21
Notes sur les délibérations du Bureau
Objections du Bureau et objections des apothicaires

non datées

Note sur la première délibération:

Quoique les sieurs de la Gautrais-Poirrier et de la Perrière-Vigron n’aient pas trouvé sur aucun des registres des délibérations ou compte comptes des administrateurs, tant anciens que modernes, dudit hôpital que le nombre des lits n’y était que de 19 en 1680 et de 37 en 1762, il ne s’ensuit pas pour cela que les apothicaires aient avancé le faux sur ces faits car lorsqu’ils les mirent en avant dans l’instance précédente à la Cour en 1762, le Bureau lors existant qui en avait bonne connaissance, ne put les contester, ce qu’il n’eut pas manqué de faire s’il y eut le moindre doute.

Lorsque les apothicaires ont fait l’offre d’avancer 1000 livres pour aider à l’érection d’une pharmacie attachée audit hôpital (la dite somme remboursable en 5 ans), ils l’ont fait, tant pour convaincre les membres du Bureau de la sincérité de leur désir pour l’établissement de cette pharmacie que pour tâcher de parvenir à engager la Cour à ordonner un pareil établissement comme le moyen unique de terminer une infinité de différends que l’avenir leur fait envisager, mais de là le Bureau ne doit pas prétendre obliger lesdits apothicaires à fournir gratuitement 4000 livres pour l’érection de cette pharmacie, leurs pertes antérieures et constamment trop senties et la médiocrité de leurs facultés ne leur permettent aucunement d’accepter une pareille voie conciliatoire.

Notes sur la deuxième délibération:

Primo, observent les dits apothicaires que ledit Bureau n’ayant pas voulu accepter en leur entier les clauses conciliatoires convenues avec Monseigneur l’évêque de Rennes comme médiateur, ils ne s’en tiennent qu’à aussi 1 sol 6 deniers par jour pour chaque soldat conformément à leur première demande.

2° que les dits apothicaires ne consentiront jamais à s’obliger de fournir indéfiniment comme le voudrait le Bureau, les remèdes nécessaires aux pauvres citoyens malades, une telle exigence de fourniture étant captieusequi tend sous des apparences de vérité à induire en erreur, ce qui s’aperçoit par le renvoi qu’en fait le Bureau à la délibération du 18 mai 1762 dans laquelle délibération le nombre de lits alors existants à 37 a été écrit, soit par oubli ou à dessein, mais veulent bien les dits apothicaires fournir aux 37 lits occupés par 37 pauvres citoyens parce qu’en cas d’épidémie, ils de réservent, suivant ledit concordat, l’indemnité y référée.

3° Les dits apothicaires voient le Bureau déterminé à ne vouloir accorder pour indemnité que 200 livres à chacun des 3 derniers fournisseurs perdants, à charge auxdits apothicaires de payer leurs frais. Le trop modique de cette offre et la dureté de cette condition les forcent à se retirer, mais avant de la faire, pour prouver de plus en plus leurs sentiments pacifiques, ils se bornèrent à demander 300 livres pour chacun des 3 derniers perdants à peu qu’ils se trouvassent moins lésés et à ce moyen voulaient bien payer leurs frais, clause que le Bureau rejette hautement et dont il s’est bien donné de garde de faire la moindre mention afin d’inculper davantage lesdits apothicaires.

Autres notes: (sans doute des apothicaires)

Primo, le Bureau continue de payer par chaque année la somme de 200 livres pour 37 lits seulement qui seront occupés par 37 pauvres citoyens et non par des militaires; et l’apothicaire de service fournira, comme à l’ordinaire, les remèdes qui seront nécessaires. Et en cas que le Bureau veuille augmenter le nombre des 37 lits, il sera accordé à l’apothicaire de service une rétribution qui sera convenue respectivement.

2° Il sera payé à l’apothicaire de service 1 sol 6 denier par jour pour chaque militaire, soit dragon, cavalier, fantassin ou matelot qui entrera à l’hôpital, soit qu’il prenne ou ne prenne pas de remèdes, laquelle somme de 1 sol 6 deniers sera prélevée sur les 14 sols que Sa Majesté paye chaque jour à l’hôpital pour chaque homme, ce qui aura lieu depuis le jour d’entrée jusqu’au jour de la sortie.

3° Il sera payé à chacun des 3 apothicaires qui ont fait le service dans les trois dernières années, une somme de 300 livres à laquelle ils ont consenti de réduire la somme de 800 livres qui leur serait dûe au moins à chaque pour la seule fourniture des remèdes au-delà de celle de 200 livres qu’ils perçoivent à l’ordinaire; et en cas que cet article éprouvât la moindre contradiction, la communauté persiste à demander qu’il soit procédé à l’examen des mémoire de fournitures par des maîtres apothicaires ou autres, respectivement convenu.

4° Le Bureau se charge de payer les frais faits à la Cour par la communauté sans qu’elle puisse être recherchée à cet égard par son procureur.

Telles ont toujours été, la communauté le répète, ces propositions, car elle nie formellement avoir jamais consenti d’accepter la somme de 200 livres par lui offerte en indemnités pour chacun des 3 derniers fournisseurs par les membres du Bureau parce qu’elle paierait ses frais.

Cette clause fut insérée sur le registre du même Bureau après le retrait desdits apothicaires qui, à cet égard, s’en tiennent invariablement à la somme de 300 livres parce qu’en outre le Bureau paiera leurs frais.